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Paul Beatty – Tuff

Après le très remarqué: American Prophet ( Passage du Nord-Ouest,2013, Trad. Nathalie Bru) et le très justement récompensé par le Man Booker Prize en 2016, l’indispensable: Moi contre les Etats-Unis d’Amérique ( Cambourakis, 2015, trad. Nathalie Bru) puis la redécouverte de son premier roman traduit en français : Slumberland (Cambourakis, 2017, trad. Nicolas Richard), Nous finissons le tour de l’œuvre existante, pour le moment, de l’excellent Paul Beatty avec le dernier inédit en date, à savoir Tuff.

Publié en 2000 aux Etats-Unis, il est le second roman de l’auteur. Pour replacer dans la chronologie, il est sorti quatre ans après American Prophet et huit ans avant Slumberland. Un second roman souvent symbole de roman casse gueule pour bon nombres d’auteurs, cherchant à reproduire ou à décliner ce qui a fait le succès d’un premier roman. Alors que peut bien donner ce second roman de Paul Beatty ?

Tuff, c’est un surnom, celui de William Foshay. Un caïd d’East Harlem, impressionnant par sa carrure, bougon et souvent en vadrouille avec ses potes, surtout Smush. Il est le fils d’un ex-Black Panther, un père absent pour Tuff, une affiliation dont il a honte et la réciproque, selon lui, est de mise. Ce grand gaillard de vingt deux ans, au moment ou nous le rencontrons, est sorti, mais alors d’une manière totalement hasardeuse et chanceuse, indemne d’une fusillade. Sa récente Paternité, sa femme, Yolanda, et cette fusillade vont le pousser à vouloir se ranger et changer de vie, enfin à la Tuffy, avec nonchalance et beaucoup de réserve. Ce qui va l’emmener par un tour du destin plutôt loufoque à se retrouver sous l’aile d’un Afro-américain juif et d’une mère de substitution qui vont le pousser à se présenter aux élections du 8ème district pour devenir conseiller municipal.

Pour les habitués de l’auteur vous vous doutez bien qu’il ne s’agit là que d’un prétexte pour tirer le portrait d’un quartier, Harlem et d’une communauté vivant dans ce lieu. Faisant directement écho à American prophet sur la forme, un afro-americain qui malgré lui se retrouve mis en avant par sa communauté, le fond n’est pas en reste. L’auteur affine sa critique et tord le cou aux clichés de l’Amérique moderne. Ne serait-ce que par son personnage clé, Tuff, qui sous ses apparences de gangster de série tv, nous découvrons un homme, cherchant son identité et sa place sans reproduire le parcours de son père. Il s’agit aussi d’un passionné de cinéma qui aime en particulier le cinéma asiatique. Un père sans modèle véritable qui ne s’assume pas encore totalement dans ce rôle, mais qui par fulgurance cherche à être meilleur avec son fils ou sa femme. Un jeu d’équilibre délicat ou la balance oscille entre ses responsabilités et son avenir d’un côté ou sa jeunesse délinquante et ses amis de l’autre. Le quartier n’est pas en reste, le portrait que fait l’auteur d’Harlem lui donne presque les intentions d’une comédie burlesque, donnant plus de légèreté au milieu et aux liens sociaux.
Il ne s’agit pas là d’une manière de botter en touche pour l’auteur, mais plutôt de s’intéresser au fond du problème, à savoir la couleur de peau en Amérique et les clichés forçant certains à se cantonner à des rôles face à l’absence d’opportunité pour l’homme noir d’Harlem d’atteindre une vie meilleur.

Sous ses airs de satire, Tuff, percute et offre une autre vision d’un quartier. Le portrait d’Harlem et de ses habitants est vivant, chaleureux et d’une grande richesse. Paul Beatty, dans la suite de son premier roman consolide ses bases et affine sa plume, plus acerbe et plus percutante, on peut même par moment déceler les prémices de Moi contre les Etats-Unis d’Amérique. Un second roman brillant, drôle et touchant parfaitement mis en valeur par l’excellent travail de traduction de Nathalie Bru (comme à son habitude j’ai envie dire)

 

Cambourakis,
Trad. Nathalie Bru,
350 pages,
Ted

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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