Un professeur d’université à Los Angeles est en route vers son suicide lorsque sa voiture se fait percuter par un camion. La violence de l’accident qui le projette hors de sa voiture le décapite : une coupure nette et sans bavure.
Mais voila l’histoire aurait pu s’arrêter là, mais non, Théodore après avoir eu la tête recousue à la morgue se réveille le jour de ses obsèques en pleine cérémonie. Créant un mouvement de panique puis une émeute, Théodore se réfugie avec sa femme et ses enfants chez lui.
« Sur l’électrocardiogramme, c’était le calme plat. D’après l’électro-encéphalogramme, Ted, en pratique, était mort. On ne détecta pas d’activité nerveuse à l’électromyographie. L’image à résonance magnétique ne fut d’aucun secours. Quant à la scintigraphie, elle apporta la démonstration que Ted était un mort en parfaite santé. A court d’idée, les techniciens en blouse blanche procédèrent à une angiographie, une laparoscopie, une pyélographie intraveineuse, une sialographie, ainsi qu’un lymphangiogramme. Le docteur Lyons enfonça ses doigts dans la bouche de Ted, ses oreilles, son anus, lui tâta les aisselles, le scrotum et les amygdales, puis s’assit pour lire les pages de résultats. Nu sur la table d’examen, allongé sur le coté, Ted sentait sa vue s’adapter peu à peu à la violence de la lumière reflétée par les placards en acier inoxydable.
– Quel est le verdict ? demanda-t-il.
– Vous êtes mort.
– Vraiment ?
– Et vous ne l’êtes pas. Enfin, vous êtes là à me regarder, à me parler, mais apparemment, vos muscles ne reçoivent pas de stimulation électrique pour produire le mouvement, votre cerveau ne parle plus à vos membres, votre cœur est en sommeil profond, et rien ne coule dans vos veines. Et pourtant, nous sommes là à parler. »
Si vous voulez un mort-vivant, des histoires de familles, des groupuscules religieux bizarres, des militaires, des journalistes envahissants, une soucoupe volante et j’en passe alors foncez !
Lorgnant avec le roman postmoderne, le fantastique, le roman d’aventure ou même les théories du complot, Percival Everett à travers son « Road-stories » dépeint une Amérique déviante, sombrant vers la folie et la fuite des valeurs. Dans un traitement intelligent et absurde il met en avant la problématique de la longévité du couple, de la fidélité ; le rapport du gouvernement et du citoyen, les déviances religieuses et le pouvoir du sacro-saint média télévisuel.
Peut-être moins marquant que « l’effacement » ou moins sombre que « blessés » il n’en demeure pas moins une œuvre atypique, foisonnant de détails intrigants, drôles ou touchants. Le lecteur se perd dans le tourbillon de folie que provoque l’anormalité de Théodore.
« Je suis mort, quelques jours après, je me suis réveillé mort, et je suis toujours mort, mais cela n’a rien à voir avec ma présence ici, avec notre conversation, ou le fait que je puisse vous toucher le bras. Qu’est-ce que vous en dites ? »
Un roman qui se lit comme un roman d’aventure, mais finira très certainement par vous titiller, vous faire réfléchir et quelque part vous faire grandir.
Car que l’on soit bien d’accord nous parlons de Percival Everett après tout !
Ted