Avec Et maintenant le noir, Peter Gizzi explore les variations entre lumières et sensations dans un lyrisme oscillant entre le grave et la légèreté. Cette tonalité que donne le poète américain à son livre peut surprendre, car il use d’une écriture plus proche des sensations que de la neutralité souvent utilisée dans la poésie contemporaine. Il y a une pensée assez partagée qui dit que notre humeur varie selon la couleur du ciel. Cette idée commune, Peter Gizzi ne cherche pas à la nier, mais plutôt à la rendre plus profonde, creusant la nuance parmi toute la palette des lumières existantes.
Ce qui transparaît de Et maintenant le noir est la générosité de la recherche quasi-intime de Peter Gizzi. L’écriture produit une démultiplication de nos sens face aux différentes lumières que nous fréquentons au quotidien. Que ce soit le soleil chaud du matin ou le ciel gris de l’hiver, chacun·e y trouvera la façon d’y réagir. Chez Peter Gizzi, le corps absorbe la lumière plutôt qu’il le réfléchit. Cette idée d’imbrication de l’humain avec son environnement est un véritable geste écopoétique. Peter Gizzi n’écrit pas un livre de poésie établissant des faits, mais transmettant des sensations.
Le lyrisme utilisé par le poète américain est pleinement assumé, mais n’est pas un retour en arrière. Et maintenant le noir s’inscrit pleinement dans les évolutions de l’écriture contemporaine, cherchant sans arrêt la singularité de son langage poétique. Celui-ci évolue comme une tête chercheuse, suivant une intimité qui nous échappe, mais également des sensations et des paysages communs. C’est ainsi que chaque poème devient un terrain de retrouvailles pour toutes les lectures possibles. Peter Gizzi part d’un élément universel qu’est la lumière pour évoquer la diversité que nous avons à la percevoir.
Cette poésie n’est pas seulement le point de vue de Peter Gizzi sur la lumière. Elle est aussi une tentative de communion de nos diversités émotives face à elle. Et maintenant le noir est le geste de partage d’un poète qui a su saisir la multiplicité du monde et ses variations naturelles et humaines. La traduction de Stéphane Bouquet l’accompagne, permettant au francophone d’y trouver (ou de ne pas y trouver) son propre prisme. La poésie n’est certainement pas qu’une affaire sentimentale, mais elle peut être aussi capable de réveiller nos sensations.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Stéphane Bouquet
110p
Adrien