Horn est un très court roman écrit par Peter M. Ball en 2009.
Commençons par là: il s’agit de fantastique australien. Poursuivons par: ce roman aborde des thèmes très choquants comme l’industrie de la pornographie et le viol. Je serais obligée d’en parler donc si vous trouvez ça inconfortable, ne vous lancez pas dans cette lecture.
Miriam Aster est un détective free-lance (privé, autrement dit) Elle faisait partie des forces de l’ordre mais la jeune femme a un certain penchant pour désobéir aux règles et a dû faire route à part depuis un certain incident.
Miriam est donc appelée, une nuit, à la morgue pour observer un corps des plus étonnants: il s’agit d’une jeune fille qui a été retrouvée dans une benne à ordures avec des mutilations tout à fait singulières. Le médecin légiste s’arrache les cheveux devant cette énigme mais Miriam n’a besoin que d’un regard pour déterminer les causes de la mort: la jeune fille a été attaquée par une licorne en chaleur.
Oui, vous avez bien lu.
Dans cette ville sans nom aux rues sombres et tortueuses, les policiers font face à une mafia composée de fées, de gobelins et de licornes.
Le détective se lance donc à la poursuite de l’animal que vous connaissez probablement comme l’emblème de la pureté avant que celui-ci n’embroche une autre vierge dont il est particulièrement friand. Pour cela, elle va devoir rouvrir des plaies mal cicatrisées de son passé, notamment sa relation amoureuse avec la reine des fées déchue et la fois où elle est morte…
Si les romans du genre The Big Sleep de Raymond Chandler vous ont manqué, Horn vous réjouira. Détective privé, affaires sulfureuses, ruelles sombres, violence, on a du mal à imaginer le roman avec des couleurs et Miriam Aster est digne d’un Philip Marlowe (incarné par Humphrey Bogart bien sûr) féminin. La femme fatale ( digne de Lauren Bacall) vous surprendra jusqu’à la dernière page.
Mais Horn n’est pas seulement un regard nostalgique vers l’époque du roman noir, c’est aussi un renouveau du genre tout à fait fascinant. La modernisation des mythes tels que celui des licornes et des gobelins nous pousse à oublier tous nos clichés sur ces créatures adorables et gentiment blagueuses. Ici, ils sont une véritable menace et leurs petits jeux se terminent plus souvent par la mort de la victime que par un éclat de rire. Malgré tout, ces créatures ne sont pas les pires monstres de l’histoire, les êtres humains sont encore plus perfides. Ils profitent de la magie pour faire du profit, s’appuyant sur le caractère enchanteur des créatures magiques pour faire fleurir leurs affaires macabres.
Le roman est intégralement raconté à la première personne, ce qui fait un peu penser à Sin City (en plus, on avait déjà dit que ça irait mieux en noir et blanc) et permet de détourner un cliché très intéressant. Le lecteur n’est pas à la place du novice qui apprend tout le long de son enquête, mais est hissé au regard d’une spécialiste sans crainte qui connait les recoins où les monstres se cachent et n’hésite pas à s’y jeter. Miriam est un personnage très intéressant : elle est un mélange détonant entre le chevalier errant, le bandit byronien qui a son propre sens de l’honneur et le détective privé qui vit à la dérive. En somme, on pourrait dire que son personnage est un peu un héritier de clichés romanesques mais le fait qu’elle soit une femme (et féministe) donne un nouvel éclairage sur le héros solitaire qui est très rafraîchissant. Ici, ne vous attendez pas à voir l’héroïne tomber dans les bras du personnage ténébreux et fascinant. Peter M. Ball est consistant dans l’ambiance qu’il instaure et cette ambiance ne permet pas la romance. (Ce qui est ironique quand on écrit sur des licornes et des fées)
J’aurais lu des pages et des pages de ce roman. Le fait qu’il soit court vous tient en haleine mais empêche l’installation d’un véritable suspense qui nous aurait fait trépigner dans votre fauteuil. Néanmoins, il en vaut vraiment la lecture si vous cherchez quelque chose de vraiment original.
Twelth Planet Press
109 pages
Anne-Victoire