Douze nouvelles. Douze hommes projetés comme des éclats d’obus dans un conflit absurde, sacrifiés sur l’autel de la guerre. Car ces hommes sont bien des sacrifiés. Ils sont profondément blessés que ce soit physiquement ou mentalement, amputés d’une partie d’eux-même, celle là même qui est au cœur du texte : l’humanité.
Phil Klay, lauréat du prestigieux National Book Awards a accouché d’un texte singulier, puissant, plein d’une sécheresse qui témoigne de larmes qui ont tant coulées, de destins d’hommes exsangues, incapables de pouvoir se raccrocher à une réalité du quotidien en dehors de la guerre.
Voici donc un homme qui après avoir traqué des chiens errants et affamés rentre chez lui auprès de sa femme et de son labrador, vue insoutenable. Insoutenable aussi ces supermarchés, temples de guerre du consumérisme acharné où les gens sont pressés de dépenser pour contrer l’ennui. L’ennui, cette attente surexposée où les soldats s’engouffrent et meurent.
Meure aussi la foi de cet aumônier gardien de bonbons qui se retrouve impuissant devant ces soldats qui ne peuvent croire en Dieu puisque la vie leur est injustement prise.
Il y a aussi le soldat défiguré qui sert d’ Elephant Man aux petits bourgeois théâtreux, qui veulent savoir « comment c’était la guerre ? »…
Le texte de Phil Klay nous donne une image de ce que cela peut être, la guerre. Et la réponse est que l’on ne sait pas. « Vous pensez contrôler tout ce qui se passe. C’est impossible. Vous ne pouvez contrôler que vos propres actes. »
Tout n’est qu’instinct de survie, peur panique, angoisse, perte et humour. Humour qui joue dans ce texte comme une aération, une pulsion de vie insérée entre ces lignes acides et tristes. On se surprend à rire aux éclats à cet humour gras et viril, celui des soldats et de la fraternité dans l’horreur. Le rire aussi pour contrer l’absurde, comme par exemple cette bataille de Falloujah où « Il y avait des fusillades, des explosions, des mosquées faisait beugler des messages et de la musique arabe, et nous, on faisait beugler Drowning Pool et Eminem. Les marines ont commencé à appeler ça Lalafallujah. Un festival musical venu de l’enfer. ».
Fin de mission s’élève comme un texte nécessaire, percutant, porté par une force qui nous plonge dans la fange du quotidien de ce conflit qui n’a pas de visage. Ici pas d’engagement, pas de « pour ou contre », uniquement les corps de ces hommes pris dans l’engrenage et broyés par le mécanisme de la guerre et à plus vaste échelle, de la société celle qui sera la plus dure à réinsérer et qui se trouve être la plus hostile, synonyme pour beaucoup d’impossible retour à la vie.
Editions Gallmeister
Trad. François Happe
300 pages
Gwen