Second roman de science-fiction écrit par Philip K Dick, mais visiblement publié après deux autres romans ( Les chaînes de l’avenir et Les pantins cosmiques), « Le profanateur » s’inscrit dans sa période de questionnement que l’on avait pu voir précédemment.
Publié pour la première fois en 1956 dans la collection ACE Books, (qui proposait deux histoires pour 35cts, ici avec Space Born d’E.C Tubb) dans le but de promouvoir de jeunes auteurs de science fiction, ce texte est assez particulier dans l’oeuvre de PKD.
Allan Purcell, dirigeant d’une agence de communication ayant comme seul client Télémédia, la principale structure d’information et divertissement américain ( et intergalactique), se retrouve criminel d’un acte de vandalisme choquant, sans trop savoir pourquoi il a fait ça et sans même vraiment s’en souvenir. La statue de Steiter, symbole patriotique et quasi universel du Rémor ( Réarmement Moral ) a été abimé, la tête de Steiter coupé, de la peinture rouge de partout, y compris sur les chassures de Purcell.
Mais en parallèle, Allan Purcell se retrouve avec la proposition de directeur des programmes de Télémédia et cinq jours devant lui pour prendre sa décision. Tout se met en branle intérieurement et le questionnement sur son acte de vandalisme récent le fait énormément douter sur son avenir et son intégrité mentale.
Il s’agit ici d’un de ses textes le moins populaire dans l’oeuvre de Philip K Dick. Il aura même été critiqué comme étant laborieux et bâclé lors de sa parution, et faut dire, en regardant sur internet, que sa réputation persiste.
Dans le contexte d’anthologie, pourtant, “Le profanateur” ( The man who Japed en V.O) propose bien des points intéressants et pertinents qui peuvent apporter un autre regard sur l’auteur. Deux points en particulier frappent lors de sa lecture. Bien entendu, je ne vais pas réinventer la poudre, l’histoire est bâclée et la fin ouverte est plus un aveu d’échec qu’autre chose. Mais…
Tout d’abord dans la logique et dans la construction de l’univers et du style de l’auteur, on ressent un écrivain en doute, partagé entre le rejet et l’envie de se surpasser. Ainsi tout comme ces deux précédents, Philip K Dick se cherche, on retrouve un rythme plus précipité et soutenue, des descriptions plus sommaires, mais une abondance d’information pour fournir un univers riche est cohérent.
À ce propos, on pourra trouver quelques point commun avec 1984 d’Orwell dans sa proposition de société dystopique gouverné par le Rémor.
Nous pouvons également noter une tentative, de la part de l’auteur, de tourner en dérision ses obsessions. Ainsi au détour d’une page, lors d’un rendez-vous chez un psychiatre, toutes les marottes « psychiques » qui font le sel de l’écrivain son rejetées et tournées en dérision non sans humour.
Le second point que je trouve pertinent, et qui vaut le coup à lui seul de lire “Le profanateur”, est le segment central. Après une introduction poussive et convenue et avant une fin ouverte, le milieu propose un certain nombre de choses que l’on va retrouver plus tard dans d’autres romans ou nouvelles de PKD. Je pense en particulier à Ubik, ou l’on pressent très fortement l’idée germer dans Le profanateur.
Que retenir de ce profanateur finalement. Il s’agit d’un texte frustrant par son côté bâclé et cette fin ouverte, qui est surtout une manière de botter en touche, disons le simplement. Mais sa réputation est-elle pour autant mérité ? En fait je pense que c’est légèrement exagéré, “Le profanateur” n’est pas parfait, mais dans le parcours de l’auteur ce texte fait une proposition narrative inédite que l’on ne retrouvera pas forcément par la suite. Pas parfait, même clairement pas, mais pas à fuir non plus.
Éditions J’ai Lu
trad. Philippe Lorrain et Baudouin Panloup,
254 pages,
Ted.