En 1955 Philip K, Dick entreprend la rédaction d’un manuscrit qu’il bouclera en seulement deux semaines. Initialement intitulé «With opened mind », son éditeur (Don A. Wollheim , Ace Double toujours), va renommer son histoire « Eye in the sky » et l’éditer seul dans le numéro D-211 en 1957 ( avec une couverture toujours aussi kitchement génial) afin de mettre en avant la grande qualité de son histoire.
L’oeil dans le ciel (pour la version française), va être traduit par Gérard Klein des Les Cahiers de la Science-Fiction en 1959, sous le titre « Les mondes divergents « . Puis en roman, dans la cultissime Collection Ailleurs & Demain/Classiques, chez Robert Laffont, en 1976 avec une révision de la traduction par son directeur de collection, donc toujours Gérard Klein.
C’est l’histoire de huit personnes en visite du Bevatron, un accélérateur de particules. C’est l’histoire d’un accident lors de cette visite et suite à ce dernier, la réalité qui se détraque petit à petit. Une réalité qui n’est autre que la projection de l’univers « mental » d’une des victimes. Ainsi, nous suivons Jake, Marsha, sa femme, ainsi que les six autres personnes en quête d’issues et de la possibilité de retrouver notre réalité.
Pour le contexte, il est important de parler un peu du Bevatron, ou Synchrotron. Il s’agit d’un accélérateur comme celui du CERN en Suisse. Il fut lancé en 1954, et a permis de découvrir les antiprotons, ce qui donna le prix Nobel de physique pour Emilio Gino Segrè et Owen Chamberlain en 1959. Il symbolisait un exploit scientifique et ouvrait la possibilité des expérimentations, notamment pour l’antimatière ( l’antiproton entre autres). Tout comme le CERN lors de son lancement, il devait être le sujet de bien des fantasmes et des craintes.
Et Philip K Dick n’est pas en reste. Combiner une avancée majeure du côté de la physique et l’esprit d’un génie de la Science-Fiction tel que PKD pour ouvrir les champs des possibles et aboutir à un de ses meilleurs romans.
Ici, on sent l’auteur, pour la première fois peut-être, assumer pleinement ses envies et s’en donner à cœur joie. Utilisant le prétexte de la projection d’univers mentaux, et nos personnages tels les héros de la série “Sliders” se retrouvant projetés alternativement d’univers en univers, Philip K Dick a pu créer plusieurs monde en une histoire et, finalement, expérimenter sur ses personnages. Questionnant sans cesse ce qu’est la réalité, le libre-arbitre ou encore ce que nous sommes prêts à accepter, on sent un auteur en pleine possession de son sujet et se permettant, enfin, de prendre le temps de développer ses idées jusqu’au bout.
Ici, K Dick devient multiples, il est l’œil dans le ciel et observe ses personnages, jouent avec, mais se joue également du lecteur. Et c’est totalement jouissif de voir se tournant se produire chez PKD. Fini les influences, bien que l’idée de départ lui ai été inspirée d’un autre auteur, Philip K Dick s’assume, assume ses idées et ses envies, maîtrise son sujet, le rythme et la narration. Il nous propose son premier coup d’éclat.
Une petite pépite qui précède forcément à tout ce qu’il a pu écrire ensuite, et qui amorce son ultime marotte, à savoir: « Qu’est-ce qui est réel ? ». A lire absolument !
Éditions J’ai Lu,
Trad. Gérard Klein,
254 pages,
Ted.