Quand on connaît les livres de Pierre Barrault, on sait que la littérature est pour lui un espace de liberté totale. Mais pour autant, les livres qu’il écrit ne sont pas des objets sans queue ni tête. Le qualificatif d’absurde lui est trop souvent accolé sans comprendre que chaque ligne est réfléchie et possède sa propre logique. On trouvera dans la lecture de Protag tout le plaisir qu’à eu Pierre Barrault à concevoir ce livre d’espionnage. Il s’inspire beaucoup plus du cinéma que du genre littéraire. Ce dernier livre est réjouissant, car le travail de l’écrivain réside autre part que dans la construction d’un pastiche à la OSS 117, mais plus dans une méthodologie littéraire à base de photocopieuses détraquées.
Protag part sur des bases simples. Le protagoniste s’appelle Protag, son supérieur Sous-sol. Il est question d’une taupe et de dix-huit scientifiques Hongrois. Les éléments fictionnelles ne nous dépaysent pas, ils ne sont pas là pour nous perdre. Ce qui dysfonctionne, pour reprendre le titre de l’un de ces précédents livres, ce sont les photocopieuses. L’histoire se déroule comme si elle venait de la tête d’un grand enfant, s’amusant à reproduire ce qu’il a vu au cinéma. Par exemple, on meurt et réapparaît souvent dans Protag, mais c’est souvent pour de faux. Bien entendu, la logique se situe autre part, dans une part plus enfouie du livre de Pierre Barrault.
Protag le dit souvent, “nous sommes dans une photocopieuse détraquée”. C’est sans doute la phrase la plus importante de ce roman, car elle dit clairement ce qu’est Protag : un livre où des chapitres se répètent différemment et autrement. Cela donne l’illusion que la narration est heurtée et qu’on n’y comprend rien. Le ou la lectrice pourra très bien s’amuser à résoudre les problèmes de photocopieuse de ce livre et le reconstruire en livre compréhensible. Mais celui-ci ressemblerait alors a n’importe quel livre, venant s’accumuler dans nos librairies aux abords de l’été. L’intérêt de Protag réside dans la littérature elle-même et dans le plaisir qu’à Pierre Barrault à construire ces dysfonctionnements.
Pierre Barrault signe avec Protag son livre le plus drôle et le plus ludique, à l’image d’un livre dont nous sommes le héros. La neutralité du protagoniste, qui rappelons-le s’appelle Protag, permet aux lecteurices de s’immerger dans ce livre en tentant de résoudre ces mystérieux problèmes. C’est aussi son livre le plus cinéphile. Nous avons l’impression qu’il est le fruit d’un savoureux mélange de films d’espionnage des années 50 avec un cinéma renversant les codes à la manière d’un Godard ou d’une autre manière d’un Christopher Nolan. Ce savoureux mélange des styles produit un livre réjouissant, idéal pour les férus de littérature qui s’ennuient chaque été avec des livres qui se ressemblent tous.
138p
Adrien
Image du bandeau : Manuel Wagner / Pixabay