Aux origines du Label 619 se trouvait les 3 tomes de Monkey Bizness scénarisés par El Diablo (Doggybags, Puta Madre, Mutafukaz…) et illustrés par Pozla (Les Lascars). Aujourd’hui, voici que sort l’intégrale des aventures post-apocalyptiques des deux buddies simiesques, véritable concentré de violence, de rigolades et d’absolument pas politiquement correct.
Jack Mandrill le babouin et Hammerfist le gorille vivent peinards dans une caravane aux abords de Los Animales, métropole grouillante de l’an 2254 fondée sur les décombres du Los Angeles californien que nous connaissons actuellement. L’humanité est réduite à une poignée d’êtres se baladant à poil aux milieux de déchets radioactifs et vénérant tout et n’importe quoi/qui.
Vous l’avez compris, la tendance de la domination humaine s’est quelque peu inversée à force de bidouillages génétiques et autres avancées technologiques de notre cru, à tel point que l’Homme est retourné à l’état primitif et sert de bétail ou de passe temps au reste du règne animale.
Cependant, ce retournement de situation n’est pas synonyme de symbiose parfaite entre espèces ou bien de mode de vie sain et équilibré, puisqu’il semble que les animaux ont récupérés tous les vices hominiens.
En effet, dans les bas fonds de Los Animales, la violence, le racisme inter-espèces et la loi du Talion dominent. A la manière des mafias résolument humaines, l’esprit de meute forme des clans au service de la pègre locale. Bref, la politique pourrie jusqu’à la moelle et les accords tacites moisis sont monnaies courantes et il vaut mieux avoir beaucoup d’argent ou alors un ADN super costaud que du mérite ou de l’empathie pour s’en sortir. Monkey Bizness porte bien son nom car on suit les deux potos dans leur quotidien rythmé par des petits boulots pour les caïds locaux. Cacahuètes, bananes, alcool et prostitués suffisent à leur bonheur d’adultes pas vraiment responsables.
Hammerfist a la prose ampoulée et chantante et utilise aussi bien un langage châtié que le poids de ses poings pour avancer dans la vie: il dégomme les plus faibles, écrase les bouches et fait sauter les dents tout en philosophant sur l’existence. Jack Mandrill quand à lui est plus brut de décoffrage, souvent ivre mort, le vomi aux commissures et les yeux défoncés derrière ses lunettes noires.
Ce duo, c’est à la vie à la mort semble t’il… Mais est-ce que cela sera bien le cas lorsqu’une belle guenon s’ajoutera à l’addition ou bien qu’un brusque retour en arrière spatio-temporel surviendra? Car après tout, ces animaux dominants semblent faire la même erreur que l’homme arrogant et mégalomane, à savoir se penser au dessus de leurs instincts primaires.
Monkey Bizness fait écho à de nombreuses références post-apocalyptiques et désenchantées aussi bien au niveau du scénario rappelant La Planète des singes ou encore Mad Max que le graphisme jeté et acide évoquant le trait de Winshluss (Pinocchio, Super Negra). L’humour y est grinçant, la mesure de l’histoire syncopée et folle, les décors riches et bordéliques et les personnages expressifs et attachants tant leur anthropomorphisme nous met en face de nos perversions dénaturées.
Dans cet univers où la nature reprend ses droits tout en étant déviée de son état premier par des bidouillages génétiques, l’intelligence est loin d’être raisonnée et est même carrément interféré par une violence jubilatoire qui explosent à chaque case. Lire Monkey Bizness, c’est au final un peu comme lire un livre d’Histoire sans chichi et sous champis .
Ankama Editions
Label 619
400 pages
Caroline