Viande rouge, marée noire, orange pressée, papillons bleus… Ces termes, qui font automatiquement éclore des images en nous, prennent de nouveaux sens dans Chromatopsie.
Derrière les mouvements des corps et le balancement des pensées se cachent des êtres à fleur de peau, parfois en quête d’un renouveau. Qu’elle soit d’ordre physique, sentimentale ou bien encore sexuelle, leur quête du bien-être et de l’acceptation de soi peut alors adopter bien des apparences, et tendre vers des possibilités infinies souvent mises à mal par l’étroitesse d’esprit de notre société.
Nuancier en main et sensibilité au bout des doigts, Quentin Zuttion célèbre les différences et n’hésite pas à faite face à des réalités généralement taboues. De son trait marqué d’une finesse fragile, il croque tous les âges, toutes les conditions et toutes les morphologies, sans fard, mais surtout sans voyeurisme ou jugement. Comme son dessin, son approche est délicate, soucieuse de préserver les sujets qu’il aborde pour les mettre en lumière sans les salir.
Les palettes de corps et de couleurs s’ouvrent chacune sur une planche rappelant les illustrations anatomiques et leurs froides dissections scientifiques, sur lesquelles l’auteur glisse des mots comme « illusion », « mélancolie », « apaisement », « liberté ». Des mots chantant l’énergie du vivant et des émotions, leur bouillonnement et leur complexité. Les personnages sont rarement nommé·es, et pourtant on s’immisce dans leur intimité la plus profonde et subtile.
Quentin Zuttion traite de grossophobie, d’homophobie, de dysphorie de genre avec beaucoup de délicatesse, croquant le charnel dans ses strates et ses mues.
Ils, elles, eux sont à un moment charnière de leur vie, en quête d’un renouveau, d’une rencontre ou d’un point final. Leurs sensibilités transpirent de leurs corps vivants qui souffrent et célèbrent, qui s’interrogent de façon tour à tour organique, animale et émotionnelle.
En abordant frontalement les tabous autour de la sexualité, du rapport à soi et aux autres, Chromatopsie lève ainsi les interdits qui leur collent à la peau, formant un recueil de récits où la mort et les violences verbales et physiques sont aussi bien esquissées que les désirs et la douceur. Un album teinté d’érotisme où explosent les arcs-en-ciel qui sommeillent en nous.
240 pages
éditions Lapin
Caroline