Quelque part en Afrique, après un possible cataclysme qui aurait changé le monde.
Les Nurus et les Okekes sont en guerre depuis la nuit des temps. Si l’on peut vraiment appeler cela une guerre d’ailleurs. Les Okekes, comme il est dit dans le Grand Livre, doivent être punis de l’affront fait à la déesse Ani, et naissent pour être les esclaves des Nurus. Un général nuru parcourt les terres avec un groupe d’hommes pour brûler les villages okekes, tuer les hommes et violer les femmes. De ces viols naissent parfois des enfants, appelés ewu. Les enfants de la douleur, du malheur, qui deviendront à leur tour violent et mauvais.
Onyesonwu est une ewu. Après avoir grandi dans le désert, elle et sa mère s’installent à Jwahir, une ville de l’est des terres, où le génocide et l’exploitation des Okekes n’est qu’une lointaine rumeur.
Onyesonwu est une sorcière. Elle se transforme, vole, s’égare dans les étendues sauvages, soigne, réveille les morts.
Son destin lui tombera sur les épaules, violent et inéluctable. Donner conscience aux Okekes de l’Est du massacre de leurs frères à l’ouest, arrêter les violences, tuer son père.
Qui a peur de la mort?
Couronné par le World Fantasy award en 2011 et le prix Imaginales 2014, Qui a peur de la mort? en aurait mérité tant d’autres. C’est une perle noire dans le monde de la fantasy. Le personnage principal est une femme. Déjà, bon, c’est pas mal. En Afrique. On va lire le viol comme arme de guerre, la destruction d’un peuple parce que c’est écrit, les conflits ethniques, l’abaissement des femmes, la société patriarcale, l’élèvement des femmes. On va suivre une femme forte, dure, révoltée et décidée, qui ne peut accepter d’être rejetée par son peuple car née du viol de sa mère par un Nuru. Elle ne supporte pas cette injustice, cet enfermement traditionaliste et la violence quotidienne infligée aux femmes à laquelle elles se plient sans mot dire (on lira entre autre la cérémonie de l’excision des jeunes filles de 11 ans). Elle refuse de se plier à ces règles, de considérer l’esclavage des Okekes et leur meurtre comme normal et prendra la part qui lui revient pour changer tout cela.
On nous parle d’Afrique, des problèmes actuels dans un monde fantasmé, sans jamais aller dans la facilité. Si les Nurus sont posés comme les oppresseurs, car il en a été écrit ainsi dans le Grand Livre, les Okekes ne sont pas pour autant de faibles victimes. Certains se révoltent, d’autres refusent de s’intéresser à ce problème encore lointain, d’autres encore font preuve d’au moins autant de violence que leurs ennemis.
Nnedi Okorafor nous conte l’histoire d’Onyesonwu avec une force hors du commun. C’est une écriture chaude, poignante, râpeuse mais jamais lourde. Okorafor évite avec brio le pathos qui guette ces sujets terribles et mêle avec talent une trame de fantasy plus ou moins classique avec le folklore et les traditions africaines: mascarades, peuple errant dans les tempêtes de sable, kponyungos,sorcellerie et initiation… Les personnages débordent de vie et d’authenticité, jamais manichéen, ils sont en constante évolution et apprentissage.
Tout cela réuni fait de Qui a peur de la mort ? un grand et beau roman, original, fort et indispensable!
503 pages (+ une postface de l’auteure)
Eclipse
Marcelline
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