Quand Anne Maurel, professeur de littérature, découvre les douze clichés d’Eli Lotar montrant Giacometti en train de sculpter des miniatures pendant la guerre, elle est fascinée. Fascinée au point d’écrire l’histoire de quatre années de réclusion dans un hôtel genevois pendant lesquelles l’artiste sculptera sans relâche. Loin des proportions qu’on lui connaît habituellement, il ne ramènera que quelques silhouettes tenant dans des boîtes d’allumettes. C’est cette Figurine sur socle et son histoire qui se dénoue au fil des pages.
« Recommencée, multipliée, la vision d’Isabel, vue un instant, immobile, boulevard Saint-Michel, avec l’immense noir derrière elle. »
1942, Alberto Giacometti, artiste déjà reconnu, s’exile à Genève dans un hôtel miteux. Dans le dénuement le plus total, il traverse une crise. Mêlant mélancolie amoureuse et insatisfaction artistique, il tente de retrouver l’étincelle créatrice à travers la silhouette d’Isabel. Plus que l’histoire de la femme qu’il a aimé, c’est surtout le récit de la création, de ces difficultés. Une sculpture qu’on observe en train de se créer. Ajoutant de la matière, l’allongeant, creusant les formes. Un huit-clos où seuls les créations de l’artiste font sens, du cliquetis de la porte au volètement de la poussière.
Avec une écriture ciselée, Anne Maurel nous entraîne dans la chambre du maître, nous faisant entrevoir la dévotion de celui-ci à son art. Au delà de la sculpture, c’est également le souvenir d’un instant fugitif que Giacometti recherche. Plus que la justesse, c’est l’émotion et la rémanence qui font de la silhouette une œuvre. Phrasé mesuré et silences construits ponctuent cette recherche. Nous en apprennent sur le travail patient et ingrat de l’artiste. Quatre années pour trois centimètres de vie.
Hippocampe éditions
96 pages
Aurore
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