La revue Senna Hoy est dirigée par Jackqueline Frost et Luc Bénazet. Elle propose des poésies en Anglais et en Français. Cet aspect inédit s’ajoute à la qualité des poète(sse)s choisi(e)s. On lit dans Senna Hoy des textes de poète(sse)s peu connu(e)s. Ainsi notre propension à la curiosité poétique y est rassasiée allégrement. Voici un entretien avec Senna Hoy qui donnera envie aux francophones, anglophones ou les deux à découvrir cette excellente revue.
Adrien : Comment est née l’idée de créer une revue en anglais et en français sans que cela soit une revue de traduction ?
Senna Hoy : Nous avons créé la revue en 2019, au mois de décembre : elle est en deux langues, le français et l’anglais, de la même façon que nous sommes deux personnes pour la publier, l’une américaine et l’autre, française. Nous souhaitions que la revue soit lue et par des anglophones et par des francophones. Les contributions de chaque autrice et auteur sont doubles — une dans chaque langue, en sorte que les lecteurs francophones découvrent des auteurs anglophones et réciproquement. Dès la première année, la revue a compté des abonnés au Royaume-Uni, aux États-Unis, et dans d’autres pays non-francophones.
Comment choisissez-vous les poètes que vous publiez dans la revue ? Ils semblent parfois peu connus, vous avez été la première revue papier à faire paraitre des traductions du poète anglais Sean Bonney.
Oui, la revue veut explorer les formes pratiquées aujourd’hui et que l’on n’a pas encore vues, ainsi que les formes pratiquées hier et que l’on n’avait alors pas vues. Dans le numéro 3, nous avons publié des textes de Patrizia Vicinelli, dont aucun livre n’a encore été traduit en France alors que la publication de son travail commence dans les années 60 en Italie. La traduction en anglais a d’ailleurs été réalisée par une autrice de la revue, Christina Chalmers, à qui nous l’avons demandée.
Quant aux textes de Sean Bonney présents dans le numéro 2, ils ont aussi valeur d’hommage après l’annonce de sa mort, d’autant que Jackqueline Frost et lui étaient proches. En tous cas, beaucoup des textes publiés par la revue sont écrits par des autrices et des auteurs qui n’ont jusqu’à présent fait paraître qu’un ou bien deux livres de poésie. C’est bien là que joue la fonction exploratoire de la revue.
Comment se fait le choix de publier la traduction d’un poème en français et inversement ?
Très simplement. Nous traduisons en français une des deux contributions de celles et ceux qui écrivent en anglais, et inversement. Pour celles et ceux qui n’écrivent ni en anglais ni en français (Patrizia Vicinelli, Beta Berggren, pour le moment), il n’y a pas de règles.
Pourquoi avoir choisi le nom de Senna Hoy pour la revue ? Vous expliquez brièvement qui il était dans le n°4. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette personne ?
Senna Hoy était à fois, au début du XXème siècle, un écrivain présent à la bohème littéraire et un anarchiste qui rejoint la révolution russe, commencée en 1905, en prenant sa part aux expropriations qui étaient alors pratiquées. Il mourra en prison. En outre, dès 1903, il publie un brochure contre la criminalisation des homosexuels qui a cours en Allemagne. Et dans la revue qu’il publie en 1904 et 1905, Kampf, on peut lire Peter Hille, Else Lasker-Schüler, Erich Müsam, Paul Scheebart notamment, et aussi des textes qui notamment rendent compte de la situation en Russie. Le nom de Senna Hoy — celui que Johannes Holzmann s’était donné — est aussi une indication de ce qui anime la revue. Les journées émeutières à Paris en 2018, au mois de décembre, nous ont donné beaucoup de courage, notamment dans notre recherche de formes de poésie qui leur soient conséquentes.
Quelle suite va connaître l’aventure Senna Hoy ? D’autres aspects seront-ils apportés au projet ?
Nous avons commencé une deuxième année de publication et nous souhaitons poursuivre longtemps l’aventure, l’exploration. À la condition, bien sûr, que les abonnements se renouvellent, puisqu’ils définissent l’économie de la lecture. Dans le prochain numéro par exemple, on pourra lire notamment Frances Kruk, qui n’a jamais été traduite en français et aussi, des travaux en cours d’Isabelle Brissa. Et puis nous rêvons à voix haute : nous aimerions beaucoup présenter des inédits de Michelle Grangaud dans un prochain numéro. Nous envisageons aussi des suppléments.
Vous pouvez vous abonnez à la revue Senna Hoy (en recevant 4 numéros pour 20 euros) en écrivant à Luc Bénazet et Jackqueline Frost via messenger.