Harry Winslow a dix ans et vit à Xeroville avec son père et sa soeur, sous le regard bienveillant et protecteur de Prospero Taligent, richissime inventeur de génie. Un jour de fête foraine, tandis que sa soeur Astrid se perdait dans la noirceur du tunnel de l’amour, il est convié d’une bien étrange manière à l’anniversaire de Miranda, fille de Prospero, qui fête ses dix ans.
Harold Winslow a trente ans et est prisonnier sur le vaillant navire Chrysalide, ultime réalisation de Prospero Taligent avant son assassinat par Harold. Le Chrysalide est un zeppelin mu par un moteur à mouvement perpétuel, machine improbable et impossible sortie du cerveau génial de Prospero.
Il nous conte par le menu ce qui l’a conduit depuis cette visite à la fête foraine jusqu’à cette prison volante, conduite par des hommes mécaniques et dont le moteur insensé les conduit irrémédiablement vers la chute.
« Toute histoire a cependant besoin d’une voix pour être racontée, sinon qui l’entendra? Il faut donc que j’essaie. J’ai encore suffisamment de foi en la langue pour voire que si j’assemble assez de mots sur la page, ils se mettront à parler avec un son qui leur est propre. »
Il convoque toutes ses incarnations passées, le petit garçon , l’étudiant et l’homme adulte, tous perdus dans ce monde mécanique dominé par la figure paternelle de Prospero, magicien de l’ingénierie et soumis au culte de Miranda, la fille pure, reine vierge dont tous, son père en premier tente de figer l’image qu’ils en ont, bien loin sans doute de la vraie.
Entouré d’un père qui a perdu sa femme à la naissance de Harold et qui sombre peu à peu dans des souvenirs inventés d’une époque des miracles révolue, où la terre était foulée par divers anges et démons, et d’une soeur marginale, artiste, qui va repousser les limites de l’art jusqu’à l’insoutenable, Harry grandit dans le souvenir de l’époque où il était accueilli dans le saint des saints, la salle de jeu de Miranda Taligent où ils vécurent de grandes aventures, lui chevalier allant la sauver elle, demoiselle en détresse. Devenu rédacteur de cartes de voeux dans la grande manufacture de Xeroville, il se désespère dans son travail. Lui qui se voulait écrivain se rend compte qu’il n’a pas de voix propre, et se noie dans ses rêves, cauchemars où la belle reine vierge lui échappe et se joue de lui. Mais c’est sans compter cette rencontre d’enfant avec la famille Taligent, qui va se rappeler à lui et changer le cours de l’histoire…
« On dormait. On n’a pas fait attention aux gens qui prenaient le pouvoir. »
Conte rétro-futuriste, tragédie steampunk, dystropie onirique, tout cela conviendrait à qualifier, si on le peut, Le rêve du mouvement perpétuel. Si l’hommage à La tempête de Shakespeare est plus qu’évident, Dexter Palmer a crée ici un univers trouble et enveloppant. Dans un monde où les hommes mécaniques remplacent de plus en plus les ouvriers et autres travailleurs, la musique des rouages résonnent dans la tête des habitants, envoûtés d’abord par Prospero et son génie, jusqu’à ce que sa folie se mette à dégouliner de toute part. Prospero lui se rêve en inventeur de l’homme, cherchant par tous les moyens à créer des êtres mécaniques en tout point semblable aux humains, âme comprise tandis que Miranda cherche à sortir du culte que lui voue son père, sans posséder ni les clefs du donjon ni l’idée de ce qui est vraiment derrière la porte.
L’aura du maître de Xeroville est telle qu’il s’immisce dans la vie de chacun, promettant de réaliser son voeu le plus cher et tirant des ficelles délirantes sur la scène qui s’étend à ses pieds.
“Nul besoin de superposer par écrit les palimpsestes de molécules, car les mots jadis éphémères persistent grâce aux machines: ils s’amassent dans le caniveau; ils s’entassent et demandent à être balayés; ils restent suspendus dans les airs, comme le brouillard matinal.”
Dexter Palmer touche à l’ultime, il nous montre les désirs secrets et insondables, les rêves d’éternité, de dépassement et d’existence des vivants, cette nécessaire et impossible balance entre l’identité propre, celle que l’on projette et celle qui est fantasmée. Un roman sombre, glaçant et hypnotisant qui revisite le conte à l’ombre de la silhouette imposante de la démence et de la beauté, une lecture superbe et indispensable!
Le passage du Nord Ouest
Traduit de l’anglais par Anne-Sylvie Homassel et Blandine Longre
Marcelline
Je viens de terminer “Le rêve du mouvement perpétuel” et j’ai adoré. J’ai acheté ce livre d’occasion en étant uniquement intrigué par le titre du livre et l’illustration.
J’ai été captivé très rapidement dès la première page : le début du roman est génial pour cela, j’avais l’impression en débutant le livre d’être tombé sur une “belle pépite”.
L’histoire et l’univers a tenu ses promesses jusqu’à la fin : Bravo !
Une remerciement également aux traductrices pour ce beau roman.
Je recommande chaudement cette lecture.
Merci pour cet article.
Une remarque cependant : Dexter Palmer étant anglophone, le roman ne s’est pas écrit tout seul en français !
Peut-être serait-il bon de le préciser et d’indiquer le nom des traductrices. Merci d’avance !
Bonjour,
c’est ajouté ! Nous essayons de le faire systématiquement, parfois nous oublions mais nous faisons tout pour mettre à jour les articles. Merci pour votre travail !