« Des couches de sang recouvrent mes mains. Elles sont d’un rouge vif, très vif, bien plus rouge qu’aucune sorte d’argile. Je partage ces mains avec un autre, et elles obéissent à la volonté d’un autre. Elles peuvent caresser ou tirer leur énergie de la détente d’un fusil. Les doigts sont reliés à la paume de la main, qui est en elle-même un individu rebelle, ridée à la fois de signe de sagesse, de cœur et de prophétie. Sa poigne meurtrière est une poigne de paradoxe, une poigne abstraite sur un murmure clownesque, sur une décharge personnelle d’énergie, sur une pelote de voix qui chancellent dans un labyrinthe, fuyant un monstre tatoué aux têtes ricanantes. »
J’avais énormément de mal à présenter la complexité du personnage de ce roman, le bien nommé Clyde Wayne Franklin. Je voulais, en peu de phrases, démontrer toute son ambivalence, ce génie reconnu comme étant le plus grand poète de sa génération, mais en même temps un tueur psychopathe et schizophrène. Puis relisant le début du livre pour me donner des idées, des mots clés pour ma chronique je suis tout simplement retombé sur ce premier paragraphe du chapitre 1, et je pense que c’est la meilleure représentation que nous pouvons nous faire de ce sympathique personnage.
Après avoir passé vingt ans à l’ombre pour le meurtre de ses parents, Clyde alias « L’homme alphabet » – à cause de son corps entièrement tatoué de lettres – décide de partir à la recherche de sa fiancée : Barbie (c’est ainsi que Clyde la connaît) . C’est une ex-prostituée qui a voulu faire du chantage à un sénateur et se retrouve en danger de mort ; mais les apparences sont parfois trompeuses et les méchants ne sont pas forcément ceux auxquels on pense…
Imaginez une intrigue hitchcockienne, avec ses stéréotypes, ses personnages types, le scénario complexe et la tension palpable dès la première minute ; et maintenant imaginez que ce soit William T. Vollmann qui écrive cette histoire. Voilà à quoi ressemble « L’homme alphabet » :
un roman fou, hallucinant, des passages complètement barrés, une tension énorme, un personnage qui se désagrège à vue d’œil. Ce roman est unique dans son genre, presque un concept à lui-même, mais là où certains auteurs pourraient se perdre dans de la démonstration technique, Richard Grossmann ne délaisse à aucun moment l’histoire et même mieux que cela, il arrive parfaitement à utiliser la folie du personnage et ses libertés d’écritures renforcent la tension narrative : un coup de maître.
Collection lot49
Le Cherche Midi
490 pages
Ted