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Samuel Brussell Alphabet Triestin couverture

Samuel Brussell – Alphabet Triestin

Plus qu’une simple ville, Trieste semble être un continent à elle seule. Ouverte sur plusieurs frontières, elle mélange au gré de ses pavés des architectures aux inspirations italiennes, mais aussi slovènes et autrichiennes. Elle est balayée par la bora, un vent qui ne souffle que pour elle, et a été le berceau d’une incroyable richesse artistique durant le siècle dernier : peintres, poètes, écrivains y ont séjourné et ont laissé derrière eux des œuvres marquantes, ainsi que des maisons d’édition représentatives de toute une époque. 

Auparavant employé dans la Compagnie Internationale des Wagons-Lits, Samuel Brussell découvre ce territoire hors du temps en 1980. Ses librairies poussiéreuses regorgeant de trésors et ses fantômes dont les voix résonnent encore le séduisent aussitôt, le poussant à revenir de nombreuses fois s’imprégner de l’ambiance unique y régnant. 

” Et, la première nuit, la bora fut avec moi, ce vent du nord-est donc le dicton triestin disait : « la bora nassi in Dalmazia, la se scadena a Trieste e la mori a Venezia ( la bora née en Dalmatie se déchaîne à Trieste et meurt à Venise). » Un autre dicton en italien la faisait naître à Segna, au 45e parallèle sur la côte dalmate, célébrer ses noces à Fiume et mourir à Trieste.

L’histoire de l’Alphabet triestin a comme point de départ la découverte en 2017 par l’ANSA d’une correspondance échangée entre Anita Pittoni (notamment écrivaine, styliste et fondatrice de Lo Zibaldone) et son ami Roberto Bazlen, dit Bobi (cofondateur des éditions Adelphi, critique et écrivain). Samuel Brussell, tombant sur l’article, découvre alors une nouvelle dimension de l’artiste italienne. Ce coup de cœur va le plonger dans une enquête littéraire sur l’articulation du langage artistique de  cette ville durant le siècle dernier.

” Je sentis toute la nuit le vent souffler et siffler aux fentes des fenêtres et ses rafales déchaînées chantaient à mes oreilles comme une vaillante liturgie, éveillant tous mes sens dans la chambre glacée. Comme elle était présente cette,« grâce ombrageusement », dans le souffle de la bora ! Comme il était vivant, c’est « air tourmenté » et puissant, c’est « air natal » ! Et comme on l’entendait, cette ville, dans les rumeurs de son passé qui s’agiter de toute part se mêlant au cœur des éléments, jusqu’à faire défiler dans l’esprit des scènes de tous les temps…

Au fil des rencontres, de fragments d’époques et de bribes de voix, l’auteur parvient à retranscrire la musicalité de Trieste tout en rendant un hommage touchant à celles et ceux qui l’ont marquée. Bazlen, Volpato, Pittoni, Saba, Svevo, mais aussi Stendhal, autant de grands noms dont on peut encore sentir la présence dans les vieux quartiers, les librairies poussiéreuses et les cafés chantants dans lesquels nous emmène Samuel Brussell. À travers ces figures dont les mots entrecoupent cet Alphabet triestin, c’est l’âme ville qui se personnifie sous nos yeux.

Hommage vibrant aussi bien à ce lieu hors du monde qu’aux grands noms qui y ont vécu, ce livre retranscrit avec pudeur l’amour qu’il leur porte. Les fantômes se soulèvent, leurs voix vibrent, l’ambiance d’une époque défile.

 

Questo xe el bel, te vedi
Questo xe el bel de sta zità,
E questa xe anca la su’ malora.

C’est ce qu’elle a de beau, tu vois,
C’est ce qu’elle a de beau cette ville,
C’est aussi cela son malheur.

Samuel Brussell Alphabet Triestin image

Éditions la Baconnière
140 pages
Caroline

À propos Caroline

Chroniqueuse

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