Polo est un gamin solitaire, passant ses journées à explorer la campagne déserte qui entoure la maison de ses parents malgré l’inquiétante disparition récente d’un enfant du coin. Brusquement une jeune fille apparait de nul part. Belle à en couper le souffle, mais également mystérieuse et passablement étrange, Sophie débarque comme un ovni dans la vie monotone et routinière de l’adolescent, chamboulant ses pensées et son coeur.
Une relation particulière s’installe entre eux; amour, découverte du désir et de la sexualité, le tout mêlé à une dimension fantasmagorique où les loups-garous, les vampires et la mort entrent en scène. Le sofa du salon de la jeune fille énigmatique deviendra l’îlot de leurs premiers ébats, de leurs discussions à double lecture et de leur découverte mutuelle d’eux-même et du monde qui les entoure.
Un soir, Polo tombe sur le cadavre de Christian, l’enfant disparu, abandonné au coeur des herbes folles, au milieu de nulle part. Loin de s’en effrayer, le jeune couple va au contraire développer une sorte de fascination autour de la dépouille, allant jusqu’à déplacer le fameux sofa jusqu’à elle, afin d’en suivre la décomposition et fantasmer sur les raisons de sa mort.
Tony Sandoval rassemble ses sujets de prédilections dans cette bande-dessinée, portés par le graphisme si atypique et cette palette de couleurs passées et mélancoliques qui lui sont propres. L’amour tortueux d’adolescents, la mort, les être fantasmagoriques… Cet étrange ballet nous emporte une fois de plus dans sa ronde, au plus profond des pensées et des rêves intimes de Polo, nous perd aux frontières du rêve, là où les lycanthropes et les goules arpentent la campagne durant la nuit.
Dans ce récit plein de thématiques contradictoires, où la pourriture n’effraie pas mais fascine, un simple objet lambda prend autant d’importance que la découverte du cadavre en lui-même. Ici, le sofa semble lié au corps inerte de Christian, il renferme des mots mystérieux et s’avérera avoir été le nid d’amour de plus d’un couple adolescent.
Entre les pages de ce livre, on assiste au quotidien d’une jeunesse qui grandi un peu trop vite, cherchant à tromper l’ennui d’un été monotone et dont l’innocence est rattrapée par la mort, la découverte des premiers amours et des premiers chagrins. Cette étape forcée vers l’âge adulte laisse les protagonistes entre deux eaux, flottants entre l’irréel et le monde concret et palpable, nous entrainant dans les profondeurs des abysses du passage entre deux périodes d’une vie, là où le concret glisse parfois vers les ténèbres des contes et des légendes et où le fantastique se superpose à la réalité.
L’auteur signe un nouvel ouvrage sur les turpitudes de l’adolescence, mêlant l’ambivalence de la mort et de l’amour autour d’un cadavre, tout en veillant à installer bien confortablement ses protagonistes et son lecteur au sein d’un vieux sofa poussiéreux mais plein de charme. Avec tous ces ingrédients, le sortilège de Sandoval ne peut qu’opérer.
Editions Paquet
Collection Calamar
94 pages
Caroline