Douleur sentimentale puante est une sacrée bonne définition de la jalousie, proposée par l’autrice et artiste collagiste Sara Hébert et étoffée par les textes de huit comparses.
On y lit également les aventures amoureuses de Jimmy Beaulieu, Julie Delporte, Jonathan Duguay, Alexandre Fontaine-Rousseau (L’énigme de l’objet mystérieux), Géraldine, Pascale Gorry Bérubé, Sandrine Galand et Chloé Savoie-Bernard.
Fidèle à son univers parodiant les vieux magazines féminins en en détournant les pub, grâce à des découpages et des collages astucieux, Sara Hébert (aka Bijou de Banlieue) aborde cette fois ce sentiment aussi universel qu’honteux et bien souvent irrationnel.
Cet ouvrage collectif aux allures de fanzine explore la jalousie avec poésie, haine, sincérité et surtout beaucoup, beaucoup de second degré. Les auteurs livrent leurs souvenirs encore très cuisants de cette douleur qui leur fait perdre les pédales, qui les bouffe, les consume. On y trouve des relations toxiques, des tromperies réelles ou imaginées, des cartes de tarot et une «mixtape à l’intention des individus souffrants de jalousie»; tous les méandres de l’amour passionnel peu reluisant sont là.
Défini par Sara Hébert elle-même comme étant «un pot-pourri sur la jalousie», ce livre ressemble à une sorte de thérapie 2.0, décalée et farfelue, aidant aussi bien les artistes qui y livrent leurs témoignages que les lecteurs qui trouvent enfin un ouvrage qui aborde ce sujet sans fanfreluches niaises. Alternant publicités vintage détournées appuyant sur des approches genrées absurdes et textes coupés-collés, Douleur sentimentale puante est étrangement fascinant. Les rapports hommes-femmes, ceux aux corps, à la possession et au débordement amoureux sont décortiqués ironiquement et franchement, loin des analyses bidons que l’on peut trouver dans certains magazines féminins écervelés.
Etant donné que les témoignages découlent aussi bien de femmes que d’hommes et d’homosexuels que d’hétérosexuels, l’ensemble est contrasté et englobe d’autant plus la variété complexe de ce vaste sujet qu’est la jalousie. On voit son aspect toxique et vicieux évidemment, mais aussi l’abandon de sois dans lequel elle peut retrancher, les piedestals intouchables qu’elle dresse.
Douleur sentimentale puante est une sorte d’auto-analyse dont on ne saurait dire si elle a été réalisée dans une démarche de guérison, d’abdication ou bien de complaisance. Cela doit d’ailleurs varier tout aussi bien selon ses auteurs que ses lecteurs, mais le résultat est acide, absurde, bordélique et surtout excellent.
Editions Somme Toute
128 pages
Caroline