Scott McClanahan est un touche à tout, voyez par vous-même… il est l’auteur de nouvelles, d’un roman graphique, de trois romans dont deux écrits la même année ( 2013), mais c’est également un musicien, un réalisateur et il gère une boite de production ainsi qu’une maison d’éditions. Un boulimique en somme, un être qui a ce besoin de créer et de s’exprimer coûte que coûte. Et vous savez quoi ? Avec Crapalachia ( ou Cacapalache au choix) il le fait plutôt bien !
« Il savait que chacun d’entre nous se voit attribuer deux vies et que chacun de nous a des familles que nous n’avons jamais rencontrées et qui sont là dehors, ce soir, en train de nous chercher. Et même ce soir, elles sont là dehors, et elles essayent de nous trouver. Elles espèrent pouvoir nous dire qui était notre vraie mère. Elles veulent pouvoir nous dire qui était notre vrai père.
Ecoutez : Elles nous cherchent.
Elles veulent pouvoir nous dire nos véritables noms. »
Crapalachia est le portrait d’une famille de Virginie occidentale, une famille comme on en trouve de partout. A ceci près que celle-ci, cette famille, McClanahan, a son lot d’excentricités. Dans ce texte autobiographique, les portraits de la grand-mère Ruby, de son oncle Stanley, du chat Sida ou encore de Bill son meilleur ami, dépeignent un univers fantaisiste et richement coloré. Une sorte de folklore familiale qui rythme le quotidien. L’auteur n’est pas en reste, par petites touches nous le découvrons, appréhendons son caractère, sa personnalité et nous nous retrouvons à vouloir partager ce quotidien au combien loufoque et torturé.
Mais finalement ce qui touche le plus dans ce portrait de famille, c’est l’humanité qui s’en dégage, cela a beau suinté le vivant et la sincérité, l’auteur arrive à transmettre par les mots ce que l’on ne peut décrire, à ressentir l’atmosphère du lieu ou encore l’ambiance général au sein de ce monde. C’est avec peu de mot, sans aucune envolée dans le texte, que Scott McClanahan arrive à nous toucher bien plus loin que certains auteurs le font. Il écrit et raconte avec le cœur et les tripes et l’ambivalence de son propos, ses digressions entre l’envie d’être critique et l’amour qu’il porte à ses personnes là, apporte encore plus d’authenticité et de justesse dans les anecdotes racontées par l’auteur.
« C’était le seul bruit que j’entendais sortir de la grosse horloge RC COLA quelques semaines plus tard. Tic, tac, tic, tac, tic. On était assis dans sa cuisine et Ruby a tourné la page sur cette photo d’un gars qui avait l’air de dormir. Et puis elle a souri d’un sourire sans dents et elle m’a montré une autre photo d’un gars qui avait aussi l’air d’être en train de dormir. Elle m’en a montré une autre et puis une autre. J’ai pensé : pourquoi ces gens sont tous en train de dormir ? »
Un roman qui aurait eu sa place dans la collection de feu 13e notes. Un roman que Cambourakis à totalement eu raison de sortir, une traduction parfaite de Théophile Sersiron.
Un texte court, fun et touchant qui se dévore en une soirée. Et cette incroyable sensation d’avoir vécu quelque chose, d’avoir assisté au mariage entre un film d’Emir Kusturica et un roman de John Fante.
Cambourakis éditions,
202 pages
Trad. Théophile Sersiron,
Ted.