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Traduire le fantôme Sébastien Lespinasse

Sébastien Lespinasse – Traduire le fantôme

Dans Traduire le fantôme, Sébastien Lespinasse fait une tentative de produire une langue-fantôme faite de phrases hétéroclites, qui parfois se répondent et d’autres fois sortent de nulle part. Cette langue ne provient pas d’un fantôme prophétique aux accents lyriques ou dramatiques. Les phrases sont tantôt sérieuses, d’autres fois plus blagueuses voire potaches. L’ensemble produit un livre de poésie qui résonne étrangement, naviguant dans des tonalités différentes, flirtant parfois avec le recueil d’aphorismes absurdes à l’instar du Carrousel encyclopédique des grandes vérités de la vie moderne de Marc-Antoine K. Phaneuf paru à La peuplade en 2020. Ce mélange de sérieux et d’absurde place la poésie de Sébastien Lespinasse dans autre chose qu’une poésie existentielle.

Parce qu’il y a finalement un autre fantôme dans cette langue, le fantôme de l’oralité et de la plasticité des phrases qui s’agglomèrent. Cela raconte un rapport à la langue plutôt qu’à ce qui est dit. Traduire le fantôme est un livre en constante contradiction, qui ne cherche pas le sens mais le creux d’une langue, d’une façon de dire les choses. Sébastien Lespinasse déploie une large palette de tonalités expressives. Il en résulte cette langue-fantôme où n’apparaît quasiment aucune parole directe et quasiment aucun narrateur. Le fantôme est finalement constitué d’une multitude de personnalités, où même parfois, comme l’indique le poète, surgissent la voix d’autres poètes.

Sébastien Lespinasse est connu pour sa poésie qui penche vers l’oralité. Il réalise souvent des performances où ce qui importe est le flux de la parole, en héritier de la pâte-mot de Tarkos. Dans Traduire le fantôme, il creuse d’une manière plus profonde l’expression écrite, dénichant ce que cette langue-fantôme nous dit. Il se fait ainsi le traducteur de tonalités multiples et parfois d’intentions très différentes. La lecture pourra laisser une impression décousue mais ce qui fait l’intérêt de Traduire le fantôme réside dans cette multiplicité d’expressions. Chaque lecteurice trouvera une phrase qui résonnera de manière plus juste en soi, comme si Sébastien Lespinasse ne voulait pas produire de point de vue unique mais un livre de poésie comme une ode à la diversité des expressions.

Le plasma de cette langue se comprend peut-être dans sa grande variété, dans son aspect insaisissable. Une phrase va nous tenir en haleine, visant avec justesse sur ce qui nous anime puis plus tard une autre phrase brisera la solennité du moment d’épiphanie littéraire que l’on aura vécu. Le fantôme n’est pas unique mais regroupe plusieurs entités. Nous pouvons en conclure que toute langue possède une diversité de pratiques. Il ne peut donc pas y avoir de fantôme de cette langue qui ne soit taillé dans un seul tissu uniforme. Les partisans d’une langue figée dans des codes unifiés oublient toujours que la langue n’est pas un matériau mort. Sébastien Lespinasse ironise en proposant avec ce livre de faire parader un fantôme fantoche, qui représente bien plus une vitalité et une multiplicité qu’un cadavre mort qu’une communauté de parleurs et de parleuses piétine allégrement au désespoir des puristes poussiéreux.

 

Traduire le fantôme Sébastien LespinasseDernier Télégramme

72p

Adrien

À propos Adrien

Passionné de poésie contemporaine et attaché à l'écriture sous toutes ses formes, engagée ou novatrice.

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