La voix de la poète américaine Sharon Olds est virtuose et complexe. Peu connue en France, elle est pourtant une grande figure de la poésie contemporaine américaine. Elle fut lauréate du prix Pulitzer de poésie en 2013 et reçut d’autres prix reconnaissant l’importance de son travail. Il n’existait pas de traduction de ses recueils en Français avant celle du livre Odes, parue en version originale en 2016, traduit par Guillaume Condello aux éditions Le corridor Bleu cette année. On peut y découvrir une poésie atypique, démontrant toutes les facettes de la personnalité de Sharon Olds. Son écriture est parfaitement retranscrite et on savoure un style atypique, mêlant l’intime à l’universel.
Dans ces Odes, Sharon Olds rend hommage à tout un monde, du plus trivial au plus élevé, avec une rage de l’expression (invoquons ici Francis Ponge) propre à la poésie. Cette femme âgée fait le bilan de son existence à travers des éléments s’en rapprochant. Il ne semble pas exister de choses scandaleuses pour Sharon Olds. Tout est matière à poésie : un gland, des vergetures ou un « décolleté fané ». On ne peut pas dire qu’il n’y ait pas de tabou. Sharon Olds fait un exercice d’analyse de son intimité et non une révolution mentale. Elle regarde sa jeunesse et sa vieillesse avec un regard attendri mais ne souhaite pas remettre en cause le cours du temps.
Elle s’excuse dans “Ode à la terre” de n’avoir pas directement écrit sur un sujet si important. Mais on peut comprendre qu’elle accorde de l’importance à tout même aux choses peu consensuelles. C’est une mise à plat, voyant dans le gland autant d’intérêt littéraire que dans les vents. Sharon Olds se dévoile tout simplement en invoquant l’éternelle surprise que provoque la vie. Mais on peut se poser la question de son point de vue : elle semble accorder une grande importance à sa jeunesse et notamment à la virginité. La poète ne défend pas de thèses bien que les thèmes abordés dans ce livre aient été repensés et redéfinis par d’autres.
Au début du recueil, on peut lire une “Ode à l’hymen” qui peut surprendre celle et ceux qui connaissent l’effort de défaire les mythes autour de la virginité. Des personnalités comme Martin Winckler ou encore le projet Hymen redéfinitions ont démontrés l’incohérence médicale du lien fait entre l’hymen et la virginité. Sharon Olds semble se réapproprier le mythe qui enferme la jeune fille dans une pureté violente physiquement et moralement. Elle renouvelle son “Ode à l’hymen” en fin de recueil et on se demande si une réflexion plus approfondie n’aurait pas été nécessaire pour que la vie qu’elle honore soit plus libre pour toutes les femmes.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Guillaume Condello
136p
Adrien