Un Étranger en Olondre est le premier roman, enchanteur, de Sofia Samatar. Paru en 2013 aux États Unis, il est enfin traduit en français et publié par les éditions Argyll. Roman de l’imaginaire, il a reçu le prestigieux World Fantasy Award ainsi que le British Fantasy Award.
Il y est question d’une fantôme, de livres, et d’amour.
Jevick, qui nous raconte son histoire, est un jeune garçon du village de Tyom, sur l’archipel du Thé. Il a grandi dans la précieuse ferme à poivre d’un père tyrannique dont il est destiné à prendre la succession. Pour se préparer aux voyages en Olondre en tant que négociant, Jevick est placé sous la tutelle d’un précepteur olondrien. C’est ici que basculent le roman et la vie de Jevick car Maître Lunre va l’initier à la plus puissante des sorcelleries : la lecture. C’est avec délice qu’il découvre les classiques de la littérature olondrienne, et pousse les portes d’un tout nouveau monde.
[…] il nous avertit que les personnes venant de vivre une période prolongée de lecture ou d’écriture ne devraient pas être dérangées pendant les sept heures qui suivent cette activité, « car ils sont descendus au plus profond d’un puits qu’ils ont dévalé sur une pente de feu mais dont ils remontent sur une échelle de pierre ».
Ainsi, pendant neuf années d’un apprentissage intense, Jevick va s’initier à la culture olondrienne. Puis vient le temps de prendre la mer pour perpétuer le commerce familial. Sur le bateau, entre de prenantes lectures, il fait la connaissance de Jissavet. La jeune fille est mourante, atteinte du kyitna incurable. Le temps de quelques mots échangés et il faut déjà se séparer. Mais les pensées de Jevick, désormais, ne tourneront plus qu’autour du souvenir de Jissavet.
Débarqué dans la cité de Bain, il découvre les librairies, qui le fascinent et l’enchantent. Subjugué par la ville, il se laisse étourdir par la fête au célèbre Festival des Oiseaux. Au terme d’une nuit d’ivresse, après les festivités dédiées à la déesse de l’Amour et de la Mort, il rencontre pour la première fois le fantôme de Jissavet.
Nos deux mondes raclent l’un contre l’autre comme les deux parties d’un os brisé.
Dès lors, commence pour Jevick une étrange quête pour retrouver le corps enterré de Jissavet. Il faut l’incinérer pour la libérer de son état fantomatique, pense-t-il. Les livres, toujours, seront pour lui un précieux soutien. C’est auprès d’eux qu’il cherchera les réponses à ses interrogations.
De rencontres inattendues en cérémonies occultes, détenu dans une institution psychiatrique puis intégré à une étrange communauté religieuse, la route de Jevick sera longue et difficile. Ballotté et manipulé par deux ordres religieux ennemis, il trouvera son salut dans la connaissance, et l’apaisement dans l’écriture.
Si Jevick est le narrateur et le héros de cette histoire, il sait pourtant laisser la parole à de nombreux autres personnages. Quiconque a une histoire à raconter ou un conte à léguer trouvera une place dans les pages de l’Étranger en Olondre. Jissavet elle même y livrera le bouleversant récit de sa courte vie. Tour à tour roman de fantasy, livre de contes antiques, journal intime et recueil de poésie, Sofia Samatar développe une large palette. Son écriture a la chaleur épicée d’un conte oriental, l’intrigue de déroule sans heurt, toute en subtilité et en poésie.
C’est une lecture sombre et feutrée, avec juste ce qu’il faut d’ésotérique et dans laquelle on progresse comme dans un rêve. Dans un monde imaginaire captivant et hors du temps, Sofia Samatar, enfin, nous parle du sentiment amoureux. L’amour maternel et filial, les amours impossibles et contrariés. L’amour charnel et fantastique, les amitiés inconditionnelles et les histoires qui finissent mal. Décliné sous toutes ses formes, Un Étranger en Olondre est donc également un roman d’amour et, par dessus tout, d’amour des livres.
Paru le 7 avril 2022 aux éditions Argyll
Traduit de l’anglais (Etats Unis) par Patrick Dechesne
Couverture de Xavier Collette
400 pages