IITout dans Gratte-ciel se construit à partir d’un fantasme architectural imaginé par Le Corbusier. L’architecte avait imaginé le plan Obus qui devait transformer durablement Alger en une cité occidentale ultra moderne. Les traces de ce fantasme sont devenues des blessures et jalonnent les récits écrits par Sonia Chiambretto.
Sonia Chiambretto raconte l’histoire de l’Algérie en proposant un écrit choral. L’autrice construit ce texte de manière tout à fait inédite, en entremêlant les voix de plusieurs narratrices et narrateurs. Le livre n’est pas construit de manière chronologique. L’autrice condense ces paroles en une fiction éparpillée.
L’éclatement du récit laisse transparaitre le morcellement de l’Algérie. Nous passons alors de la décennie noire à la guerre d’indépendance. C’est à contre-courant, dans des flots différents, que Sonia Chiambretto montre dans Gratte-ciel la blessure originelle de l’Algérie. Le plan Obus du Corbusier est autant une main mise sur le pays que sur le texte.
L’écriture de Sonia Chiambretto possède une beauté brusque, faite de claquements de langue et de résonances. Plongés dans l’obscurantisme ou martyrisés par une France violente, les jeunes Algériens font vibrer leurs voix pour un besoin évident de liberté.
Il y a donc Ksu, Kimo, Farid, Saïd, Samy, Yacine ou encore Adel. Ce sont des voix plus que des personnages. On entend ce qu’ils ont à dire sur l’Algérie. Sonia Chiambretto réussit à bâtir un récit qui se forge du concret des vies et de l’originalité de sa forme. Gratte-ciel incite à ne pas oublier les blessures faites par la France au peuple algérien.
Ce livre est aussi une œuvre qui dépasse le genre du récit. Malgré un thème aussi fort, Sonia Chiambretto se permet de bousculer les codes littéraires. Le fond et la forme se transcendent, attirant l’attention sur ce qui doit être su.
144p
Adrien