« Certains chasseurs restaient si longtemps partis qu’ils s’enracinaient dans la jungle et devenaient des étrangers chez eux. »
Le premier constat, et certainement ce qui marque le plus après la lecture du reportage de Susan Orlean, est que l’univers de la botanique et notamment la récolte/chasse d’orchidées est beaucoup plus intense et dangereux que l’on ne pourrait le croire. Ainsi le chapitre « vocation fatale » dresse une sorte de portraits de ces héros et aventuriers. Ces explorateurs recrutés par des orchidéphiles partirent s’égarer dans les forets des quatre coins du monde et eurent souvent rencontré la mort à défaut de trouver des orchidées sauvages. Le fantasme et l’obsession que suscite cette plante est tout simplement impressionnant.
« Ma fin est approche, comment vont les plantes que je vous ai envoyées ? Sont-elles en vie ? »
Susan Orlean, en 1994, est envoyée par le New Yorker pour suivre le procès de John Laroche, un pépiniériste qui a été arrêté pour le vol d’orchidées dans la zone naturelle de Fakahatchee, en Floride, en territoire indien Seminole. John Laroche et trois de ses complices, des indiens Seminole, ont volé plus de deux cents orchidées, dont certaines unique au monde. La rencontre avec ce personnage va donner naissance à une collaboration de deux ans avec Susan Orlean et la naissance de ce livre. Une collaboration qui va faire petit à petit basculer l’auteure dans le monde farfelue et dingue des collectionneurs d’orchidées.
John Laroche, est un personnage fascinant, surnommé le « cinglé à peau blanche » par les indiens Seminole. Il s’agit d’un collectionneur compulsif, qui se passionne à l’excès pour sa collection dès le premier jour, avant de la laisser tomber de manière tout aussi excessive du jour au lendemain. Un syndrome qu’il a contracté dès son plus jeune âge lorsque ses parents lui ont offert une tortue. Ce doux dingue, devenu pépiniériste, après avoir collectionné des fossiles de l’ère glaciaire, de la taille de pierre, des miroirs, des poissons tropicaux… va être le « mentor » et guide de Susan Orlean pendant deux ans.
Dans la tradition des grandes enquêtes de la littérature américaine, Susan Orlean se montre indéniablement douée et a su se faire un nom avec ce livre. D’ailleurs, il fut librement adapté par Spike Jonze en 2003 au cinéma sous le nom d’Adaptation. D’une fascination toute réservée au début de l’enquête et une aversion totale pour les milieux naturelles dans lequel vivent les orchidées de Floride, Susan développe, au fil du temps, une empathie et un sens du détail, remettant en cause ses aprioris pour s’approcher au plus près de la réalité du milieu des collectionneurs d’orchidées.
Dans un style sobre, l’auteure dresse un portrait fascinant de ces collectionneurs, que l’on trouve tour à tour fantaisistes, drôles ou encore bizarrement dérangeants. Une passion qui peut-être fatale, mais une passion dévorante, que Susan Orlean nous retransmet parfaitement durant ces 300 pages.
Et comme le dit très justement l’édito de feu « L’aventurier en fauteuil » :
« C’est une épouvantable histoire qui relate une amère vérité : le prix à payer pour vous rapporter des plantes exotiques est si élevé, si terrible qu’il dépasse l’imagination. Les faits ne peuvent être révélés, du moins tous, car ce que je sais est trop dangereux pour être publié à l’heure actuelle »
Mais rassurez-vous, vous ne risquerez rien à la lecture de ce livre, si ce n’est passer un excellent moment en compagnie de personnages haut en couleur!
Sous-Sol éditions
Trad. Sylvie Schneiter,
304 pages,
Ted.