Ted Chiang, retenez ce nom ! En 2006, est paru déjà chez Denoël, puis en Folio SF, un recueil magistral, qui en l’espace de huit nouvelles de SF/Anticipation, nous révélait un auteur immense: la tour de Babylone.
Pour les plus cinéphiles, le recueil contenait une nouvelle intitulé « l’histoire de ta vie », qui fut adaptée par un certain Denis Villeneuve sous le nom de « Premier Contact ». Puis… et bien… plus grand chose, plus de nouvelles de l’auteur chez nous. Il faut dire que Ted Chiang prend son temps, il n’a publié qu’une quinzaine de nouvelles depuis 1990. Ainsi à ce jour, nous avons les huit nouvelles de La Tour de Babylone, puis celles se trouvant dans son second recueil Expiration.
Expiration compte trois nouvelles en son sein. Deux ont reçu les prix Hugo et à savoir « Le Marchand et la Porte de l’alchimiste » et « Expiration » et la troisième nouvelle, « Le cycle de vie des objets logiciels », a reçu le prix Hugo et le prix Locust. Donc pedigree alléchant pour un auteur plutôt discret et qui publie ses textes au compte goûte ?
Nous disons souvent que la Science Fiction, plutôt que de parler de l’avenir, parle par le truchement de la science de notre époque, de notre société et de nos dérives. Ted Chiang, à l’image de Philip K. Dick, l’a totalement compris et assimilé. Mais pourquoi faire comme tout le monde quand on peut pousser les potards à onze ?
C’est ainsi qu’à travers ses neuf nouvelles, qui constitue ce second recueil, l’auteur mettra souvent à mal le libre-arbitre. Après tout, cheminons-nous volontairement vers notre potentiel fin et/ou transformation par nécessité vers des alternatives de vies autre que celle que nous connaissons aujourd’hui, ou bien est-ce ici notre destinée et qu’importe les actes individuels et/ou collectifs nous ne pouvons éviter l’entropie de l’anthropocène.
C’est ainsi que par le prétexte du voyage dans le temps ou encore des mondes parallèles, entre autres, Ted Chiang s’emploie à de réels exercices de pensée, avec toujours cette question de fond, sommes nous libre de nos choix.
Mais, car il y a des subtilités, l’auteur est capable de vous cueillir au détour d’une page et de vous scotcher par un propos ou vous toucher par un instant de poésie ou de grâce, car nous avons bel et bien à faire à un conteur d’une écriture élégante et subtile.
Ted Chiang maintient son lecteur dans un univers jamais trop loin du notre. Exploitant, essentiellement, le champ de l’astrophysique et du quantique l’auteur questionne sans cesse notre rapport à notre monde et à notre réalité.
On pourra lui trouver une filiation à Philip K Dick, mais aussi à Don Delillo ou encore Salman Rushdie sur les implications psychologique et philosophique que développent ses nouvelles dans Expiration.
Notons la traduction tout en nuance de Théophile Sersiron qui permet aux lecteurs francophone de continuer de découvrir un conteur d’une grande intelligence. A noter les notes de l’auteur pour chaque nouvelle, donnant souvent une compréhension encore plus fine de l’œuvre de l’auteur.
Denoël,
collection Lunes d’Encre
Trad. Théophile Sersiron,
464 pages,
Ted.