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Ted – Les livres, l’univers et le reste

« Mais au moins, se perdre dans l’espace, ça vous tenait occuper »

Bon, et bien ce n’est pas le cas, et ce n’est pas prêt d’arriver, n’en déplaise à Douglas Adams. Alors en attendant de pouvoir chevaucher le missile qui pourra nous mettre en orbite, vois nous faire danser une sombre polka avec un trou noir, penchons nous sur quelques pépites de l’éditions qui méritent toute votre attention !

Vous êtes prévenu, Cher Lecteur, une fois au courant, ils deviendront obsédant et vous ne pourrez plus vous empêcher de penser à eux tant que vous ne les aurez pas lu. Laissez-moi vous guider dans ce voyage galactique littéraire. Il ne s’agit pas ici d’un classement, d’un « best-of », mais d’une sélection de titres, parmi beaucoup, qui méritent d’être lus ou relus, des titres originaux, souvent marquants et puissants.

Philippe Bollondi – Ariane dans le Labyrinthe ( Le nouvel Attila)

Quelle fulgurance pour un premier roman, que de magie à chaque page. Un auteur qui ose et qui le fait intelligemment. En choisissant de se réapproprier le mythe du Minotaure, d’Ariane et toute la mythologie, il nous régale avec ce texte à la fois burlesque, poétique, touchant et critique.

La complexité des personnages; les errances d’Ariane, la quête d’une seconde jeunesse à travers un dernier coup d’éclat du vieillissant Minos, la fougue de la nymphette Phèdre, Pasiphaé cherchant une réalité plus enchanteresse à travers l’alcool et un héros opportuniste, bien encadré par son attaché de presse, tout est parfait, rien ne pêche. Le rythme nous balade, les descriptions sont concises et marquantes, l’ambiance nous plonge dans un univers enchanteur et inquiétant, on attend le dénouement de l’histoire avec une certaine envie mélangée à de la crainte. En se réappropriant un mythe connu et en choisissant de le transposer de nos jours dans un parc d’attraction l’auteur offre un texte puissant.

 

Stéphane Vanderhaeghe – Charognards (Éditons Quidam)

Charognard est le premier roman publié de Stéphane Vanderhaeghe. Sous forme de carnet, l’auteur développe un univers riche et dense dans des rapports quotidiens très sensés, au démarrage, mais de plus en plus confus au fur et à mesure du développement de l’histoire. L’ombre lancinante et asphyxiante de ces charognards qui aussi bien physiquement que mentalement, petit à petit, ronge ce village, et son dernier habitant contribue à une ambiance et un rythme qui démontrent une maîtrise et une grande maturité pour un premier roman. Des descriptions minimalistes mais toujours très imagées et percutantes, quasi cinématographiques, une construction en spirale et se décomposant sous nos yeux, un premier roman percutant et grandiose !

 

 

Tom Drury – La contrée immobile (Éditions Cambourakis)

Un auteur au talent incroyable qui ne semble avoir aucune limite dans ses histoires. Il serait presque criminel de parler d’auteur de littérature américaine tant la finesse des dialogues, des descriptions et l’intelligence du scénario fait de lui un auteur au dessus de la littérature américaine standard. Débordant de magie, de poésie, de tendresse pour ses personnages, avec un rythme en parfaite adéquation avec l’idée que l’on se fait en voyant le titre du roman (et bien oui le rythme est lent, mais à aucun moment l’ennui ne vient). Tom Drury aura su absorber ses influences littéraires pour se créer un style unique et à l’opposé de la plupart des auteurs américains actuels. David Lynch dans le midwest.

 

 

Ben Marcus – L’Alphabet de flammes (Éditions du Sous-Sol)

Le roman à travers le dilemme de la maladie pose une réelle problématique. Si notre enfant était la source de notre problème que ferions-nous ? Pouvons-nous l’abandonner ? Ou alors subir les supplices quotidiens par amour pour lui ? Et plus que la question du langage que soulève le roman, c’est ce point là que Ben Marcus soulève et avec lequel il nous titille pendant les 350 pages de « l’Alphabet de flammes ». L’écriture à la première personne renforce l’immersion dans ce monde nauséabond, en décomposition et nous plonge dans cette fuite pleine de regrets. L’ambiance est pesante. On imagine un univers de gris et de boue, une vie aux goûts et saveurs de cendres. Un monde qui est moite, lugubre et sans espoir. Mais le fait que ce récit soit le témoignage de Samuel nous pousse à espérer jusqu’à la fin et fait que ce roman devient vite addictif. Une claque monumentale lors de sa sortie !

 

Adam Novy – La cité des oiseaux ( Éditions Inculte)

L’univers est dense, complet et largement détaillé par l’auteur. Le style narratif archi-classique donne un rythme et une ambiance unique. Adam Novy a écrit un premier roman complètement atypique en prenant les tendances littéraires à contre courant. Récit dystopique, empruntant de bonnes idées à plusieurs courants littéraires mais surtout à la symbolique religieuse et les tragédies grecques. Roman de la rébellion, œuvre initiatique et protéiforme évoluant au rythme des personnages, final grandiose et grandiloquent, Adam Novy a tout pulvérisé avec ce roman. Un chef d’oeuvre sous-estimé et oublié, mais qui mérite une seconde vie !

 

 

Robert Juan-Cantavella – El Dorado ( Le cherche Midi – Lot 49)

En journaliste Gonzo et surtout en un puissant hommage à Hunter S. Thompson ( Las Vegas Parano), l’auteur délivre un texte puissant et drôle. Critique décalée mais percutante de la société consumériste à travers la dérive délirante et sous amphétamines du journaliste le plus punk de la péninsule ibérique, El Dorado se dévore comme on dévore un disque de rock. Les chapitres s’enchainent, l’addiction opère et le final offre un summum de n’importe quoi des plus jouissif. Il existe également un recueil de nouvelles, tout autant réussi et dans la même collection « Proust Fiction », deux pépites à lire absolument !

 

 

Anna Kavan – Neige ( Éditions Cambourakis)

L’oeuvre ultime du genre humain serait non pas l’autodestruction, mais la destruction de toute vie, la transformation d’un monde vivant en planète morte. Ce petit bijou écrit par Anna Kavan en 1967, en pleine guerre froide, par une auteure héroïnomane est une expérience littéraire, un livre obsédant auquel le lecteur ne peut pas rester indifférent. La justesse des mots, le travail d’ambiance, le rythme et la traduction minutieuse, tout est bon dans ce roman qui est injustement catalogué dans de la science fiction. Une première version était sortie en 75, mais depuis pas mal de temps introuvable sur le marché de l’occasion. Les Editions Cambourakis ont eu le bon goût de rééditer cet ovni littéraire.

 

 

Medoruma Shun – L’âme de Kôtarô contemplait la mer (Éditons Zulma)

Qu’il s’agisse d’un corps possédé par un Aaman et de l’âme de ce dernier contemplant la mer, d’une prêtresse impuissante face à ce problème ; d’un enfant qui rencontre un personnage farfelu qui aurait vécu un long moment au Brésil ; d’un autre désabusé par Cassius Clay lors de son combat contre Joe Frazier ; d’un éleveur de coqs de combat et son fils qui élève son premier coq ; d’une grand-mère qui raconte sa vie ou un jeune homme qui se remémore sa jeunesse : tous les personnages ont pour point central l’île d’Okinawa. Très imprégné dans son histoire, l’auteur nous parle sans détour de l’occupation américaine, des gangs locaux, de la vie de l’époque et de maintenant, mais aussi des ancêtres et des fantômes. D’esprits du passé parlant au vivant. Sans pour autant tomber dans l’histoire japonaise clichée, Medoruma Shun, distille un profond respect pour sa culture et une grande nostalgie tout le long de ses six histoires.

 

Shuji Terayama – Devant mes yeux le désert (Éditions Inculte)

Comment pourrions-nous qualifier ce roman ? Du free (jazz)/Dirty Realism ? une improvisation, une variation sur le roman social ? Finalement l’étiquette importe peu. Shuji Terayama a le sens du swing, du phrasé rythmé, de la phrase qui percute. A l’image de ses deux boxeurs en devenir, ici sans être ici, improvisant presque leur premier combat, l’auteur nous balade dans son univers, nous trimballant au son des bruits de la ville et de sa fureur. Un roman dense, qui distille avec habileté burlesque, poésie et roman social. Une variation sur le quartier de Kabukicho à Tokyo ! Grosse claque qui n’a rien à envier au ténor du genre tel que Bukowski, Fante, Miller ou Jones. Un japon urbain et explosif.

 

 

Christopher Boucher – Comment élever votre volkswagen ( Le Nouvel Attila)

Il aura fallu dix ans à Christopher Boucher pour écrire ce manuel romanesque. L’univers singulier qu’offre Northampton, Massachussetts, avec ses routes qui se retournent pendant leur sommeil, ses montagnes qui changent de formes en cour de promenade, ses végébagnoles, Biojambes, ChienMunicipal, Arbre à Infarctus, Ferme Atkins roulante et son Dakota séducteur.
Un univers dingue, complètement loufoque ressemblant à un énorme Kamoulox. Mais derrière cette loufoquerie se cache une profonde humanité et derrière cet humour une histoire terriblement touchante et poétique. Car une fois que vous avez accepté son univers ce livre est un régal pour votre imagination.

À propos Ted

Fondateur, Chroniqueur

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