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Tetsuya Toyoda- Undercurrent

J’ai des amis formidables. Alors que mon époque Mangavore m’est passée depuis quelques années déjà, voilà que l’un d’eux m’a fait replonger dans cet univers de tramages et de lecture nippone avec Undercurrent de Tetsuya Toyoda.
Dés les premières pages, le ton est donné: doux et latent, à la manière d’une eau qui dort. Tetsuya Toyota possède en effet un trait particulièrement fin et épuré dans la lignée des manga traditionnels seinen ainsi qu’un design de personnages androgynes charismatiques qui nous plongent tête la première dans l’ambiance très particulière de ce one-shot.

 

Kanae, jeune femme dans la trentaine ayant repris les rênes des bains publics familiaux vit une situation assez inconfortable; il y a quelques mois de cela son mari a mystérieusement disparu lors d’un voyage d’affaires. Tenant la boutique à l’aide de sa Tante, elle subsiste un peu comme dans un rêve, ne parvenant pas vraiment à réaliser ce qu’il c’est passé et écoutant d’une oreille distraite les annonces de corps retrouvés, de sucides, d’homicides, guettant inconsciemment une explication rationnelle à ce silence.
Un beau matin, un homme vient bousculer son quotidien flou: c’est Hori, envoyé par le syndicat des bains afin de prêter main forte aux deux femmes dans leur gestion des tâches journalières. Peu bavard et assez mystérieux, il va cependant créer une dynamique dans la vie de Kanae.
Peu à peu, des pièces du puzzle vont se déplacer et commencer à assembler un semblant de réponse. S’y ajoute la rencontre fortuite d’une meilleure amie épouse d’un détective, qui va permettre à la jeune héroïne de piocher des informations susceptibles de retrouver son mari, alors qu’Hori va prendre une place bien particulière au sein de ses jours.

 

 

A travers un décor tranquille et une narration teintée d’énigmes, Tetsuya Toyoda nous immerge dans les aléas de l’âme humaine: avec une simplicité présente aussi bien dans la découpe de la mise en page que dans la narration, il nous parle d’amour, d’amitié, d’affection bref, de tous ces sentiments qui se délient et se mêlent au fil de l’eau.
L’eau. Elément omniprésent dans Undercurrent, aussi bien dans le nom même que dans le décor: les bains publics où la clientèle vient se détendre devient un endroit qui fait remonter des souvenirs étranges dans l’esprit de Kanae: larmes, strangulation, caresses et noyade reviennent s’échouer sur les rivages de sa pensée.
Petit à petit, elle se rend compte que la notion de “connaitre une personne” est plus un fait acquis à la va vite qu’une réelle notion tangible.

En effet, connait-on réellement les gens qui nous entourent, et qu’est ce qui nous permet de l’affirmer alors que, bien souvent, on ne se connait pas vraiment soit-même?
Hori, Kanae et les personnages gravitant autour de ce duo flottant vont remonter le court du passé pour rencontrer leurs vieux démons et ainsi se permettre, enfin, d’aller de l’avant.

Les protagonistes imaginées et mis en scène par Tetsuya Toyoda sont aussi marquants qu’ils sont discrets et leurs expressions sont aussi saisissantes qu’elles sont épurées. Les femmes y sont indépendantes et se débrouillent tout à fait seules, alors que les hommes sont représentés plus comme des leviers ou des éléments déclencheurs. Cela suit la logique d’Undercurrent qui reste un livre aquatique, l’eau étant considéré comme un élément féminin.
Semblant parfois osciller entre la vie et la mort, la vérité et les non-dits, Kanae et Hori incarnent une foule de sentiments alors qu’ils n’échangent pas énormément et que leur histoires restent assez secrètes. Mais, pour autant, le sentiment de promiscuité est immédiat, et on a l’impression de les connaitre presque depuis toujours.

Cette première approche de l’univers de Tetsuya Toyoda m’a laissé une sensation de douceur languissante. En effet, doux et sourd sont les thermes dont je qualifierais Undercurrent. Doux et sourd comme l’eau qui dort, l’eau qui semble si calme et qui pourtant peut réveiller beaucoup de choses au rythme des encyclies. Que ce soit un corps ou une pensée, quelqu’un qui a pris la fuite ou bien une personne qui a renié un souvenir, le mouvement de l’onde qui se trouble rempli les pages de ce one-shot et nous laisse dans une torpeur une fois celui-ci refermé.

 

Editions Kana
300 pages
Caroline

À propos Caroline

Chroniqueuse

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