Thomas Flahaut signe avec Les nuits d’été un beau roman mélancolique et noctambule. Il semble s’attacher à une vie qu’il connaît bien. En effet, à la fin du livre, on trouve des remerciements adressés à des « opérateurs dont j’ai partagé les nuits dans une usine du Jura bernois qui est devenue Lacombe dans la fiction ». Il remercie aussi son père. Cette usine devenue Lacombe dans le roman est le lieu qui englue les personnages. Comme le vieux monde nous emporte dans des rêves périmés.
On suit trois personnages : Thomas, sa sœur Louise et son ami Medhi. Les deux jeunes hommes vont se retrouver à travailler ensemble à Lacombe. Pourtant leurs parcours les avaient amenés à d’autres destinées. L’un partant à une université et l’autre restant dans le sillon de son père ayant travaillé également dans cette usine. Mais Thomas abandonne ses études pour finalement faire comme son père, travailler également à Lacombe. Louise est aussi attachée à ce lieu, elle cherche à comprendre ces travailleurs en réalisant une thèse sur les travailleurs frontaliers.
Ce trio forme dans Les nuits d’été un arc narratif avec lequel Thomas Flahaut bâtit sa perception neuve du monde ouvrier. Il n’est plus vraiment question de luttes des classes mais de luttes des corps qui s’épuisent ou s’enlacent. Ces jeunes ne peuvent plus faire autrement que de suivre le chemin des parents. Par manque d’argents et d’opportunités, cette jeunesse y est obligée malgré l’injonction de vivre autrement.
Pourtant le désir de liberté est là. Il apparaît par les sentiments qui ne trichent pas et s’apaise dans les étreintes, les moments festifs ou les trajets en moto. Ce désir provoque aussi du risque et de la fragilité. Thomas Flahaut exprime les failles d’une génération à laquelle on demande pourtant le plus grand des efforts, celui de s’émanciper sans en avoir les moyens.
Les nuits d’été est le témoin d’une époque. Son écriture révèle avec douceur et force les errements d’une jeunesse qu’on voudrait façonner à l’image du rêve de liberté des anciens. On ne construit pas un lendemain sans penser à celles et ceux qui devront y vivre. Voici ce que semble nous dire subtilement Thomas Flahaut.
224p
Adrien