Tom Aureille – Le souffle du Géant

Iris et Sophia ont été élevées par leur mère, qui a toujours travaillé extrêmement dur pour offrir le plus de confort possible à leur foyer. Mais son emploi étant tout aussi précaire que dangereux, elle va y perdre la vie. Devenues orphelines, les deux sœurs se lancent alors dans une quête désespérée : se rendre au cœur des Terres du Nord, là où l’on raconte que se trouvent de légendaires Géants au souffle magique, capable de ressusciter les défunts.
Leur route va être jalonnée de dangers, elles vont croiser de dangereux bandits sans vergogne et des monstres cruels… Mais surtout, un homme va se mettre à les suivre dans l’ombre, habité par le même tourment qu’elles et prêt à tout pour parvenir à ses fins. 

Rien ne laisse penser que Le souffle du Géant est la première bande dessinée de Tom Aureille. Captivante et aboutie, on y relève en effet une maitrise certaine qui se fait ressentir à la fois dans le dynamise des cases, le traitement des couleurs, mais aussi dans le scénario !
Il y a en effet tous les ingrédients de l’épopée fantastique. Iris et Sophia possèdent de puissants pouvoirs, qui explosent dans des scènes de combats haletantes.  Elles croisent le chemin de créatures si ancestrales qu’elles ont été oubliées au point de se transformer en mythe. Et enfin, elles s’accrochent à un espoir presque aussi suicidaire que celui de la destruction de l’anneau unique ! 

Cependant, l’auteur agence tout cela avec subtilité, ne tombant pas dans la facilité de personnages tout noirs ou tout blancs. On sent à quel point ils sont hantés par des regrets et par la volonté aveuglante et utopique de réparer le passé.
Les deux sœurs sont d’ailleurs très différentes, et vont évoluer chacune à leur propre manière sur plusieurs plans. Iris, l’ainée, est clairement instigatrice et plus puissante que Sophia. Mais elle est aussi beaucoup plus dans le déni que cette dernière, qui va se révéler au fil du récit en sortant de l’ombre, et en affirmant sa volonté personnelle.
Fagus, l’homme qui les suit à leur insu et dont l’histoire se brode en parallèle, possède également une dimension trouble. Il oscille entre une nature que l’on devine bienveillante et une détresse qui le pousse à commettre le pire. 

Toutes et tous s’articulent autour de la thématique de la mort et du rapport au deuil, comment on doit apprendre à (sur)vivre avec. Ici, le pouvoir de ressuscitation que possèdent les Géants apparait tout d’abord comme quelque chose qui peut briser ce qui existe de plus inéluctable.
Mais très vite on se rend compte que cet espoir ronge les esprits et les cœurs. En proie à cette obstination au point où elle en devient névrotique, Iris et Fangus oublient leurs proches encore vivant·es, ne pensant qu’à ceux et celles qu’ils ont perdu·es.

Tom Aureille distille juste ce qu’il faut pour que l’on comprenne les enjeux qui habitent ses protagonistes (qui sont nuancé·es et très crédibles). Il laisse des zones d’ombres et ne dévoile pas tout de leurs vies, permettant aux lecteurs et lectrices d’en imaginer le reste, tout en laissant son récit fluide et nimbé de mystère. Pour autant, on s’attache très vite à Iris et Sophia (et même à Fangus !), qui sont des personnages féminins forts et soudés, non sexualisés ni habillés de stéréotypes (test de Bechdel OK !). 

Le souffle du Géant est une aventure palpitante, qui fait voyager à travers les terres hostiles des vieux contes d’enfant, habitées par de cruelles sorcières, des tribus paisibles et des colosses chimériques. Je n’ai qu’un seul regret concernant cette BD : qu’il s’agisse d’un one shot !

Sarbacane
160 pages
Caroline