Préparez-vous comme il se doit. Prenez place dans votre fauteuil le plus moelleux et poussiéreux, rehaussez vos lunettes d’écailles et sirotez un thé amer aux accents de sel. Ca y est, vous pouvez plonger dans le nouveau Sandoval, qui porte à merveille le nom de Mille Tempêtes. Tempête émotionnelle, tempête de poésie, de macabre et de tourmentes, tempête d’illustrations qui vous emporte bien loin, aux frontières de la fantasmagorie tordue si chère à l’auteur mexicain.
Lisa est une jeune fille ayant perdu sa mère et dont le père l’a laissée aux mains de sa marraine. Collectionnant les ossements et les pierres étranges, elle évolue dans sa bulle, passant ses journées à jouer à la poupée et à recréer un univers rassurant qui lui fait défaut au quotidien. Au hasard de ses ballades dans les landes, elle découvre un étrange portail qui la mène dans un monde habité par des créatures diaboliques et se verra devenir flambeau d’une mission malgré elle. Petite fille devenue guerrière, enfant transformée en monstre trollesque, elle devra se perdre pour au final enfin trouver son chemin.
On retrouve une nouvelle fois les problématiques du passage de l’enfance à l’âge adulte, la découverte de la sexualité naissante et des premières palpitations amoureuses omniprésentes dans l’oeuvre de Sandoval, ainsi que ses monstres cornus et ses villageois sceptiques et usés par les intempéries. Pourtant, on ne ressent pas de redondances ou de déjà-vu, juste le plaisir envoutant de retrouver les aquarelles aux couleurs hantées, les chimères fourmillantes qui découlent de l’imaginaire de l’auteur, la délicatesse et le gore paradant dans un ballet parfait.
C’est beau, aérien malgré l’hemoglobine, d’une finesse vibrante qui fait écho aux oscillements de la vie et de la mort.
“Il s’est abattu un millier de tempêtes pour détériorer le toucher de ta main sur ma peau et effacer l’odeur de ta peau dans mes mains”.
Sandoval, ce génie.
Editions Paquet- Collection Calamar
136 pages
Caroline