Choisir parmi l’ensemble de mes coups de cœur littéraires est ardu, voire impossible. Donc, au nom de la concision, je me suis limité à cinq recueils de nouvelles américaines parus au cours de ces vingt dernières années. Cette liste est non exhaustive, et j’aurais pu en ajouter quelques centaines, mais, pour l’amour de l’exercice, nous y voilà, cinq recueils de nouvelles fantastiques des deux dernières décennies!
Lorrie Moore – Birds of America: S’il y a un meilleur recueil que celui-ci, un recueil dans lequel chaque histoire est un succès aussi retentissant, je ne l’ai jamais lu. Déchirant dans sa représentation des relations, « Birds of America» est un instantané de l’Amérique au tournant du siècle. Lecteurs sensibles prenez garde, beaucoup de choses malheureuses arrivent aux enfants dans ce livre. «Dance In America » raconte, en partie, la vie d’un garçon atteint de fibrose kystique. « People Like that are the only people here» concerne l’oncologie pédiatrique. Et « Terrific Mother » porte sur le décès d’un enfant. Des choses morbides certes, mais le livre peut aussi être très, très drôle. Vous ne me croyez pas ? Découvrez l’esprit mordant de Lorrie Moore par vous-même.
David Foster Wallace – Brefs entretiens avec des hommes hideux : Ce livre me scotche toujours autant. Il est bizarre. David Foster Wallace a tendance à être connu pour ses essais ou encore pour le roman « Infinite Jest ». Je comprends cela, mais mon premier amour était ces histoires, en particulier les histoires dans «Brefs entretiens avec des hommes hideux». Et si « Brefs entretiens » est le livre le plus accessible de Wallace, cela ne signifie pas qu’il n’est pas l’un des meilleurs. En plus du format « entretien fictionnel », le lecteur trouve également un certain nombre de superbes histoires courtes, y compris «Forever Overhead» et «Suicide comme une sorte de présent», deux des meilleures histoires de Wallace et deux exemples de sa capacité à ne laisser aucun coin intact alors qu’il fouille la psyché du personnage, sa motivation, son histoire, son humanité. Et, alors que la majeure partie du livre se déroule dans la tête des personnages, produisant une intériorité parfois étouffante, quelquefois, Wallace fait une pause pour reprendre son souffle. Quand il le fait, nous obtenons des phrases comme: « […] les montagnes, déchiquetées, les angles vifs de leur sommet se définissent avec clarté mis à côté de cette lumière fatiguée au rouge profond. Face au rouge, leurs sommets connectés et tranchants forment une ligne à pointes, un électrocardiogramme du jour qui se meurt. » Magnifique.
Raymond Carver – Collected Stories: « Cathédrale » et le titre posthume «Appelez si vous avez besoin de moi» (mon histoire préférée de Carver, pour mémoire) à elles seules, valent d’être dans cette sélection. Carver semble avoir perdu son emprise, récemment, sur les lecteurs américains, ce que je ne comprendrai jamais. « The Lish-edited Stories » sont des merveilles. Le travail ultérieur est excellent aussi. Il y a quelques-unes des nouvelles les plus courtes qui semblent se terminer avant qu’elles ne le devraient, œil pour oeil, dent pour dent. Il ya très peu d’écrivains américains, à mon avis, capables de faire autant avec si peu. Par-dessus-tout, Carver n’a jamais délaissé ses personnages. Il est juste là avec eux, dans les tranchées, et c’est de plus en plus rare de nos jours.
George Saunders – Dix décembre: George Saunders semble avoir traversé les entrailles de Carver, le tronc cérébral de David Foster Wallace, et maintenant il est arrivé avec une voix bien à lui mais avec quelque chose de ces deux écrivains. Les phrases de Saunders sont tranchantes, abrégées lorsqu’elles ont besoin de l’être, et tout comme Carver, il le fait dans un souci de personnages simples, non scolarisés, issus de la classe ouvrière ou de ceux sur lesquels la malchance s’acharne. Mais cette capacité que possède Saunders, de sonder les étendues intérieures de ses personnages, leurs maladies mentales, cela me rappelle beaucoup Wallace. « Victory Lap », la première histoire du recueil, est le récit d’une tentative d’enlèvement, et, ici, le lecteur ricoche entre trois points de vue. Avec une proximité presque claustrophobique, Saunders place le lecteur dans la tête d’un garçon, d’une fille, et d’un prédateur sexuel. Puis, il fait la chose la plus difficile de toutes : il offre de l’empathie et de la grâce aux trois.
Elizabeth McCracken – Thunderstruck : Aucune description ne peut rendre justice à ce livre. Bien qu’il n’y ait que neuf histoires, neuf, comme Salinger l’a prouvé, c’est tout ce dont vous avez besoin, et plusieurs d’entre elles sont beaucoup plus longues que la nouvelle standard, rampant dans le territoire de la Novella. Même lorsque rien ne semble se passer dans les histoires de McCracken, il y a un monde de danger qui ondule sous la surface. Ce danger dresse sa tête hideuse plus d’une fois, et, souvent, ces personnages que le lecteur veut voir souffrir en payent le prix. Dans le portrait qu’il dresse des relations parent-enfant et les choses terribles qui peuvent advenir et qui adviennent aux enfants, McCracken doit peut-être une petite dette envers Lorrie Moore, qui a travaillé et retravaillé une partie de ce territoire thématique dans « Birds of America ». Au niveau des phrases, cependant, McCracken n’a de dette envers personne. Peu d’écrivains américains écrivent de meilleures phrases. Parfois courtes, parfois sinueuses, les phrases de McCraken sont toujours torturées. Elles coulent telles des fleuves vers là où elles doivent aller. Elles creusent et sondent. Elles atteignent toujours la mer. Cliché comme il est de dire, McCracken vous fera rire et pleurer, et elle va vous surprendre par des biais qui semblent toujours mérités. Il ya des moments à la fin de «Quelque chose d’incroyable» et de l’histoire titre qui m’a presque fait lâcher le livre. Mais je n’en dirai pas plus. Allez , lisez-le.
Trad. Lucie & Ted
J’ai vraiment hâte d’avoir le recueil de cet auteur entre les mains. Je ne suis pas une adepte des recueils de nouvelles mais je pense que celui-ci va me convaincre.
Je note aussi les précieux conseils de l’auteur 😉