Aujourd’hui je vous parle de deux beaux livres donc les histoires pleines de couleurs se passent en Amérique du Sud, et qui rappellent l’importance de préserver l’héritage culturel : Fechamos et Les rêves d’Ima
À travers les couloirs quasi déserts du Musée national de Rio, un vieux gardien sonne la cloche annonçant la fermeture. Lorsqu’il lance ” Nos fechamos ” (“nous fermons“) , seul l’écho des salles vides lui répond. Il faut dire que depuis quelques années, il n’y a qu’une poignée de visiteurs qui arpente le musée pour s’émerveiller des trésors qu’il renferme. Quelques habitués, toujours les mêmes, habitants de la région, enfants du pays soucieux de remonter le cours du passé, pour mieux connaitre leurs origines .
Mais cette fois, Edson Arantes, le surveillant à la barbe blanche, pousse le verrou pour la dernière fois. Car faute de fréquentation et de financement, le musée ferme pour de bon. Plus personne ne s’intéresse aux fossiles, aux enregistrements de langues éteintes ou aux poteries vieilles de plusieurs siècles.
Cependant, une ultime visite se déroule dans le secret de la nuit, seulement éclairée par la lampe torche du gardien et juste pour les visiteurs coutumiers. Le but de cette dernière excursion est de distribuer les merveilles vouées à retomber dans l’oubli, être dispersées aux quatre coins du monde ou bien finir chez des particuliers insensibles aux histoires qui s’y cachent.
Ainsi, la collection de papillons revient à Gustavo, Bianca et Ana Lucia vont prendre soin d’un sarcophage encore jamais ouvert et la météorite sera portée par Fernando et ses fils en haut des favelas. Impossible de tout emporter, hélas, de sauvegarder tous ces trésors culturels, ces vestiges du passé qui font ce que nous sommes actuellement… Mais tout ce qui a été sauvé va pouvoir être accessible à tous, exposé en plein air et aux coins des ruelles : les masques d’argiles sont de nouveau portés et l’imposant squelette de Maxa va pouvoir pointer son nez vers les nuages, comme lors de son vivant.
Tiré d’un fait réel (l’incendie du palais de Saint-Christophe hébergeant le musée national de Rio, le 2 septembre 2018) Fechamos est un livre qui rappelle l’importance du patrimoine culturel et la nécessité de sa préservation. En effet si aujourd’hui beaucoup de choses sont à notre portée, nous n’en profitons pas forcément et ne nous en émerveillons souvent plus assez. De plus, les expositions ou les collections ne sont pas toujours accessibles à tous, problème que résout Edson Arantes et ses amis, en redonnant un nouveau souffle à ces objets à qui il a accordé toute sa vie, avec bienveillance.
Les magnifiques illustrations de Régis Lejonc (Le jardin du dedans-dehors et Oddvin, le prince qui vivait dans deux mondes) véhiculent énormément de poésie et d’émotions, alors que le texte très humble de Gilles Baum possède un rythme poignant et saisissant. En s’appuyant sur la triste histoire d’un pan entier d’histoire parti en fumée, Fechamos est un album bouleversant qui rappelle l’importance de se rendre au musée, d’en pousser les portes pour découvrir tous les trésors qu’ils renferment. Pour s’interroger sur nos racines, pour s’ouvrir au monde, celui du passé, du présent comme celui à venir.
Dans un petit village des Andes niché au bord du lac Titicaca, vit une petite fille au doux nom d’Ima. De nature appliquée et toujours joyeuse, voilà qu’elle devient tout d’un coup silencieuse et que sa mine s’assombrit. De terribles cauchemars l’assaillent toutes les nuits, peuplés d’animaux fantastiques et gigantesques, où des volcans en colère entrent en éruption et où des explosions de couleurs trop vives l’éblouissent sans cesse.
Alors, Ima refuse de dormir et la fatigue creuse ses traits jour après jour. Tous les membres de sa famille, dont chacun vit de l’artisanat local, essayent de lui redonner le sourire. L’un lui montre comment tourner une poterie, l’autre comment tisser une tapisserie.
Mais si la fillette est attentive et se montre douée, rien de tout cela ne semble faire fuir ses terribles songes. C’est alors que Kamaq, un vieil et sage indien, lui offre un minuscule bateau en paille qui a le pouvoir de piéger les cauchemars. Et en effet, Ima passe des nuits paisibles, une fois la petite barque attrape-rêves posé sur son chevet. Mais en même temps un étrange mal accable le village : tous les artisans, réputés pour leurs motifs chatoyants et leur travail d’orfèvre, ont perdu leur inspiration et ne produisent plus que des objets ternes et tristes…
Les rêves d’Ima est un conte autour du besoin de créer et de laisser s’exprimer toutes les idées, images et sensations qui peuvent affluer dans notre esprit. En apprivoisant ses peurs, la petite fille déploie une imagination sans limites et devient même le moteur d’un nouvel élan de créativité qui va animer ses proches.
Les créatures qui galopent dans ses rêves sont issues tout droit de la culture inca, et sont donc l’héritage culturel qu’il lui faut entretenir et non pas fuir. Ainsi, en s’acceptant et en acceptant ainsi les traditions de ses ancêtres, Ima peut être elle même, entièrement. Par ailleurs, Bertrand Dubois joue avec des contrastes entre bleus azur et des fuchsias flambants pour créer des images fabuleuses, qui rappellent les couleurs que l’on retrouve dans l’Art inca, traditionnel comme moderne.
Ode à l’imagination, cet album est un véritable voyage au cœur des Andes… et des rêves.
Fechamos
Les Éditions des éléphants
36 pages
Les rêves d’Ima
Éditions Cipango
40 pages
Caroline