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Ursula K Le Guin – La main gauche de la nuit

Fille de parents auteurs et anthropologues, ayant grandi en Californie, Ursula Le Guin ne s’attendait certainement pas à recevoir les prestigieux prix Nebula en 1969 et Hugo en 1970 pour la publication de son roman “La main gauche de la nuit”. Tout comme il paraît difficilement envisageable qu’elle ait pu, lors de la rédaction de son texte, s’imaginer que celui-ci aurait acquis une telle reconnaissance et une telle réputation pour les lecteur de science-fiction et dans les cercles universitaires.

Connue et reconnue outre-atlantique, son univers peine à s’imposer ici, le cycle Terremer avait bénéficié d’un gros regain d’intérêt grâce à sa libre-adaptation de son œuvre par Goro Miyasaki en 2006. Mais depuis les œuvres, et surtout le cycle de l’Ecumen reste presque confidentiel, réservé aux lecteurs de Science-fiction. Souffrant du syndrome mystique de l’œuvre où le lecteur n’ose pas s’aventurer de peur d’être dépassé…Et pourtant il faut lire Ursula Le Guin !

Paru en 1969, “La main gauche de la nuit” s’inscrit dans l’immense cycle de l’Ecumen, mais peut-être aussi lu indépendamment. Toute l’ingéniosité du cycle repose sur le fait que chaque livre propose une nouvelle planète, une nouvelle civilisation ainsi qu’un nouvel exercice de pensées. Le Cycle de l’Ecumen est un peu comme une carte géante que l’on pourrait parcourir, tout comme Terremer d’ailleurs, et petit à petit, au gré des envies, s’aventurer sur tel ou tel planète suivant notre quête.

Ici, la planète est de glace et s’appelle Gethlen. Une planète plutôt dure d’apparence, ne permettant ni le doute ni l’erreur si l’on veut survivre. Sur cette planète fut envoyé par le consortium intergalactique de l’Ecumen, un représentant, Genly AÏ, afin de proposer aux habitants de Gethlen de rejoindre l’Ecumen et de bénéficier des échanges commerciaux et de savoirs. Mais deux choses, deux petits points compliquent les négociations. Tout d’abord, Genli Aï n’est pas comme eux. Il a un genre, c’est un mâle. Une première différence de taille, les habitants de Gethlen étant tous androgynes, adoptant les caractéristiques d’un sexe ou de l’autre suivant les circonstances. Et le second point, l’unification des habitants de Gethlen paraît compliqué, des rivalités font lois et divisent les habitants en clans.

Il y a une spécificité que l’on ne peut qu’admirer et que l’on retrouve un peu chez Herbert dans certaines de ses nouvelles, l’idée d’un récit de « premier contact » qui ne soit ni un récit de guerre ni un récit de conquérant. Ici Genli Aï, et par sa présence l’Ecumen, cherche le contact pour les unir sous la bannière de l’Ecumen sans pour autant leur imposer quoi que ce soit. Il y a une volonté de connaissance, d’échange et de savoir totalement… Anthropologique. Il est important de noter, également, qu’il s’agit, dans le cycle de l’Ecumen, de descendants de la Terre, des colons qui avec le temps ont créé leurs mondes et on été petit à petit oublié des autres humains, jusqu’à la redécouverte de la planète des milliers d’années plus tard.

Un roman de contact, ainsi qu’un vaste exercice de pensées interrogeant sur le genre. Par le biais des habitants de Gethlen, Ursula Le Guin impose au lecteur l’idée de s’affranchir de figures genrées pour imposer un neutre. L’Androgyne comme symbole d’une évolution s’affranchissant des bons nombres de rites et coutumes dictés par nos sexes.

Nous pourrions voir ici un quasi-roman initiatique, par le truchement de Genly Aï, nous suivons ses pensées et sa difficulté à s’adapter aux spécificités de genres des habitant de la planète de glace. A contrario, nous découvrons aussi, que Genly est la plupart du temps perçu comme un monstre. Une forme de danger de part sa génétique imposée et immuable. Au-delà des préjugés de genre, Le Guin déconstruit des poncifs et interroge sur les possibilités du dialogue par la différence, et non plus la méfiance à cause de cette dernière.

Il est dommage que ce roman ne soit pas plus mis en avant dans d’autres sphères que celui de la Science-Fiction. Au-delà de l’exotisme proposé par des paysages à couper le souffle et du « sense of wonder » proposé, la main gauche de la nuit dit énormément de choses sur notre société et notre époque. Fin et intelligent, La main gauche de la nuit est peut-être la meilleure approche pour découvrir l’univers de l’autrice. Enfin lire La main gauche de la nuit c’est aussi se rendre compte qu’Ursula Le Guin était une autrice incroyable autant par son écriture que par son souci du détail dans sa narration.

Le Livre de Poche,
Trad.Jean Bailache,
350 pages,

Ted.

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Fondateur, Chroniqueur

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