Nous assistons depuis quelques années à un travail de découverte et de redécouverte d’Ursula K Le Guin. Un travail minutieux souvent entrepris par des éditeurs spécialisés comme Mnémos, Actu SF ou Le Bélial. Nous pouvons aussi saluer l’initiative de Robert Laffont pour les rééditions du Cycle de l’Ekumen ou encore Le livre de poche pour le suivi des éditions de poche.
Une autrice incontournable tant par sa prose que par son avant-gardisme qui a su se renouveler tout au long de sa carrière. Bien que nous ne connaissions d’elle jusqu’à très récemment le cycle Terremer et celui de l’Ekumen, un certains nombre d’inédits fleurissent depuis quelques temps permettant de s’aventurer dans de nouvelles contrées, de nouveaux cycles ou encore des nouvelles inédites.
“Unlocking the Air” fait parti de ce genre de belle surprise. Portée par ActuSf avec les traductions d’Hermine Hémon et d’Erwan Devos, ce recueil publié en 1996 par Harper Collins aux États-Unis propose dix-huit nouvelles, qui me semble-t-il après quelques recherches ont été inédites jusqu’à ce jour chez nous. Dix-huit nouvelles comment autant de manières de montrer et de démontrer l’étendu du talent d’une autrice qui, définitivement, avait un temps d’avance.
Ce recueil est une ode aux lieux communs, aux moments de vie, à la douceur des instants comme à ses failles et ses douleurs. Avec son talent d’autrice et osant sortir du registre où nous l’attendions, Ursula K Le Guin frappe fort avec énormément de malice et de grâce.
Dans les canons des nouvelles de la littérature contemporaine américaine il y a des noms qui font rêver tant par la maîtrise de la forme que par la puissance d’évocation et cette magie à savoir capter et magnifier les instants. Nous pensons forcément à John Cheever et Raymond Carver en tête de liste. Mais nous pouvons aussi composer avec Urusla K. Le Guin et son regard amusé et tendrement anthropologique sur une société qu’elle a pu traverser toutes ses années durant. C’est ainsi que l’autrice, sur une bonne majorité de ses nouvelles dans “Unlocking the air”, minimise le genre et s’aventure dans ces fameux lieux communs, explorant les filiations, se confrontant aux névroses et enjeux de sa génération, dessinant avec ses mots une cartographie de ce qui fait une société, souvent des « suburbs », jamais enjolivé, mais toujours magnifié dans son apparente simplicité pour dire les maux de son époque.
Si il était encore nécessaire de prouver le talent de l’autrice, ici, il y a suffisamment de matière pour mettre les lecteurs au diapason et enfin donner la place (importante) que mérite Le Guin dans l’histoire de la littérature.
La science fiction et la fantasy, ne sont pas en reste, plus minimaliste, plus discrètes, mais toujours brillamment emmenées, Ursula K. Le Guin aime la littérature de genre, et le distille ici dans ses nouvelles aux grès des histoires prenant souvent ancrage dans ces fameux lieux communs nommés plus haut. Ce surgissement de l’extra-ordinaire créant souvent un cocktail détonnant avec ses autres nouvelles dans le recueil.
Unlocking the air est une réussite complète, un recueil essentiel et qui devrait plaire autant aux aficionados de l’autrice qu’aux lecteurs curieux. Urusula K Le Guin était une grande autrice, une immense conteuse et une témoin de son époque redoutable.
Actus SF,
Trad. Hermine Hémon & Erwan Devos,
340 pages,
Ted.