Figure tapageuse, controversée, à la vie teintée par la soif de vivre et la souffrance, Frida Kahlo continue de faire couler beaucoup d’encre et d’inspirer jour après jour. L’illustratrice Vanna Vinci s’est lancée dans l’aventure biographique de la madone mexicaine pour en résumer les instants charniers de sa vie et les figures qui l’ont hantée. Dans Frida, Petit journal intime illustré, elle met en lumière des facettes peu explorées, savamment avouées lors d’un dialogue intime entre la peintre et sa grande amie de toujours, la mort.
Vanna Vinci n’en est pas à sa première biographie illustrée, ayant déjà dépeint de ses crayons et de ses aquarelles les vies de Casati et Tamara de Lempicka, figures aussi féminines que complexes. Attirée par les vécus controversés qui ont marqués les époques à titre contemporain et posthume, elle livre des portraits originaux, avec une analyse personnelle pointue et une approche artistique colorée et inventive.
Il faut savoir que l’auteure a toujours été fascinée par la vie tumultueuse et le talent de Frida Kahlo et c’est donc en toute logique qu’elle s’est lancée dans ce Petit Journal intime illustré, en arrivant à saisir toute la complexité chatoyante et morbide de son sujet.
Ce sont les confidences sans mensonge ni apparat entre l’artiste mexicaine et sa tendre et cruelle confidente la faucheuse, surnommée également la Pelée ou la tante des fillettes, dont elle se moque sans arrêt avec tout l’humour noir qui l’a caractérise si bien. Que se soit avant le terrible accident qui l’a changée à jamais ou bien pendant ses longues journées d’alitement et de soins, Frida n’a jamais repoussée la mort et l’a accueillie en elle, la sentant croitre dans son corps et à travers ses danses quotidiennes.
Malgré cette forte part morbide qui l’habite, Frida Kahlo est réputée pour sa force de caractère, sa soif de vie, de voyages, de sexe, de rencontres et de luttes politiques; publiques et personnelles. Ce sont ses propres expériences qu’elle met en couleurs et assemble dans ses tableaux et c’est ce côté très égocentrique que met en premier plan Vanna Vinci. Ce nombriliste assumé par Frieda, dù à son côté très solitaire et marginal hérité de son père et de sa condition physique qui l’a très tôt coupée du monde et des rapports humains standards. Cette introversion poussée à l’extrême éclate dans ses autoportraits où elle se met à nu, mêlant fantasmagories, chairs, sentiments et traditions mexicaines ancestrales dans des tableaux qui l’a placeront en plein coeur du mouvement surréaliste.
Mais derrière cette mise-à-nu assumé et cette exubérance tapageuse et aguicheuse, l’auteure insiste aussi sur la timidité et les craintes profondes qui taraudent cette grande femme. Deux identités pour une seule enveloppe charnelle, elle-même déchirée en maints endroits, une dualité complexe aux deux caractères contrastés et complémentaires: la vie et la mort, cette boucle infinie qui prend corps dans ce Petit journal intime illustré.
Dans ce chemin de croix Vanna Vinci intègre et mixe représentations de tableaux, lettres, croquis, photos, pour créer un recueil de confidences dur et exubérant à la hauteur de la grande Friducha. Elle ne se contente pas de faire de simples copiés-colés des oeuvres de l’artiste mais se les réapproprie totalement, donnant corps à un roman graphique riche et original qui apporte un nouveau souffle, une osmose parfaite de force vitale et de mort à l’iconique Frida Kahlo, de son premier à son dernier souffle.
« Vive la gaieté! Vive la mort! Vive la parti communiste! Vive Diego! Vive la vie! »
Editions du Chêne
96 pages
Caroline