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Okoalu Véronique Sales

Véronique Sales – Okoalu

Un avion reliant l’Australie à l’Amérique sombre en plein cœur de l’océan Pacifique. Seuls quatre enfants semblent avoir survécu à l’accident : deux filles et deux garçons échoués sur une même île, voués à eux-mêmes. Issus de deux foyers distincts, ils se souviennent de l’absence de considération et du peu d’amour à leur égard, de parents étranges et vaporeux, d’ombres plus que de chaleur. Dès lors et pendant six ans, ils vont exister au rythme de la nature luxuriante de leur nouveau royaume : Okoalu.

« Il prétendait avoir une claire vision de ses vies antérieures, mais avoir choisi de n’en rien dire. Il disait que les hommes habitent en réalité des îles, sans le savoir, et que leurs esprits affamés vont et viennent. Il avait pour sa part mangé des bons et des mauvais fruits du karma ; un jour, il serait délivré du cycle des renaissance, quand ce monde si s’éteindrait, comme une lampe qu’on souffle, quand se serait écoulé le temps nécessaire pour user une montagne en l’effleurant  d’un tissu aussi léger que l’aile d’un papillon. »

La vie est partout dans ce bout de terre de l’archipel des Lau, omniprésente et fourmillante autour des enfants. Nourricière, veloutée et d’humeur toujours égale, l’île les enveloppe et les berce. La course de la lune et du soleil égraine le collier des jours et des saisons, pendant lequel les enfants vont grandir chacun à leur manière.
Les ainés sont déjà forgés par le moule de la société tandis que les petits sont encore malléables, souples comme de jeunes herbes. Tandis que les uns vont se plonger dans une nostalgie blême, rongés par l’espoir de rejoindre un jour la civilisation, les autres s’ensauvagent joyeusement.

Jugée tout d’abord déserte, Okoalu va s’avérer habitée par une poignée d’enfants autochtones, naufragés des flots.  Ensemble, ils font alors l’apprentissage de la vie en communauté, forgent leurs propres règles, inventent une langue musicals. Leurs interactions vont se mouvoir, poussées par leurs souvenirs, leurs inclinaisons à se fondre dans la nature, à accepter à ne faire qu’un avec elle ou bien au contraire, à la rejeter au profit d’un souhait qui ronge : celui de peut-être, un jour, rejoindre la civilisation.
Ainsi ils vont créer de nouveaux rites jusqu’à se fondre en un tout alors qu’au dehors, le monde continue de tourné et devient de plus en plus impalpable.

« Durant tout le temps qu’ils avaient vécu ensemble, cette division clairement établie était demeurée entre eux : les enfants de la forêt d’un côté, féroces, véridiques, ceux de la mer et du ciel de l’autre, sacrés, incertains. C’est de part et d’autres de cette ligne invisible, les enfants des bois et des sources d’un côté, ceux des nuages et du vent de l’autre, qu’ils avaient coexisté, qu’il s’était apprivoisés, et puis mêlés, aimés. »

Souvenirs de neige, de contes scandinaves et de pluie londonienne s’opposent à l’explosion de couleur et la chaleur bruissante de l’île. Okoalu est plus clémente, riche et solaire que ne l’ont jamais été les familles respectives des quatre enfants. En effet celles-ci sont principalement marquées par l’austérité, la froideur et l’incompréhension des adultes. 

Ainsi, bousculés dans leurs croyances et leurs repères, ils vont se réinventer, se découvrir et grandir, leurs liens se renforçant ou puis se délitant au travers des mots de Véronique Sales. L’autrice manie des réminiscences aux allures de mirage, le poids de l’héritage aussi bien familial que social. Ses mots décrivent l’abandon, le quotidien hors du temps, oublié des autres.
On y ressent les effluves de la forêt, la course des nuages, le bruit des vagues et les couleurs éclatantes qui peuplent ces secondes insulaires. Okoalu, c’est une île rêvée, un paradis perdu dont la musicalité nous parvient entre les pages d’un roman enchanteur, presque mystique. Conte philosophique sur les interactions humaines, il en éclaire les facettes brutes aux grés de l’inaltérabilité des jours qui s’égrainent, quoi qu’il arrive.

« Le jour, on pêchait, on réparait les filets, on récoltait les herbes et les fruits dans les jardins, on s’assoupissait sous les banians dès que midi claquait au soleil comme une voile, si chaud, si pure, on aurait pu s’y endormir pour toujours, dans ce ciel blanc, si dépourvu de nuages qu’on aurait dit la mer, quelque chose, comme une pierre, qui aurait été dur en surface et au-dedans vivant. »

Okoalu Véronique Sales image

Vendémiaire
280 pages
Caroline

À propos Caroline

Chroniqueuse

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