Dans son roman Cher connard, Virginie Despentes exprime avec brio les troubles psychologiques des personnes marginalisées. Cette fois, elle porte son choix sur Oscar et Rebecca, tous deux en marge de la société. Ils ne la comprennent pas, ont du mal à s’y intégrer et celle-ci ne les aide pas grandement non plus. Tout débute par une publication injurieuse et publique, écrite par Oscar, au sujet de Rebecca. Celui-ci dénigre violemment son physique. La réponse de Rebecca ne tarde pas :
« Tu es comme un pigeon qui m’aurait chié sur l’épaule en passant. […] j’espère que tes enfants crèveront écrasés sous un camion et que tu les regarderas agoniser sans rien pouvoir faire »
Commence ainsi, contre toute attente, un échange électronique entre Rebecca, comédienne rock n’roll de 50 ans, et Oscar, écrivain de 40 ans. En réalité, ils se connaissent déjà mais ne se sont pas vus et parlés depuis plus de vingt ans. La relation étant d’abord froide et virulente, ces deux adultes complexes et tourmentés finissent par tisser une véritable amitié.
Virginie Despentes évoque ouvertement et sans crainte des sujets tels que la drogue, le viol, la sexualité ou encore la maladie et le féminisme. En effet, Oscar et Rebecca, tous deux accros à la drogue, vont s’épauler dans leur chemin vers le sevrage.
« J’étais, dans la même seconde, désespéré de devoir renoncer, et soulagé comme un naufragé touchant la terre ferme »
Les personnages sont divinement bien dépeints. Oscar est un homme perdu, à l’enfance difficile. Il s’est toujours drogué, ce qui lui provoquait des pertes de mémoire mais également des comportements borderline. Le monde à travers ses messages est gris et statique. Il n’avance pas. Ce monde bascule lorsqu’une ancienne assistante, dont il était amoureux, l’accuse de viol sur les réseaux sociaux.
Rebecca, quant à elle, est une bonne vivante. C’est une femme franche et exubérante, un peu diva, qui aime qu’on la remarque. Elle est un modèle féministe ancien; elle a le choix de son corps, qu’elle met en avant et sexualise. Elle aime les hommes qui le lui rendent bien. Son parcours a été orienté par une recherche constante de liberté, et par un rejet des attentes sociales pour pouvoir vivre selon ses propres convictions. Rebecca est une femme révoltée aux idées bien arrêtées. Par ce personnage, l’auteure oblige le lecteur à mettre de côté ses idées préconçues et à explorer une nouvelle vision de la vie et la société.
« Je vous vois bien plus scandalisés à l’idée de la possibilité d’une accusation injustifiée que vous ne l’êtes de savoir qu’il y a des violeurs parmi vos amis »
Virginie Despentes met ses personnages à l’épreuve. Sa plume brute et provocante explore les rapports entre hommes et femmes et dénonce les stéréotypes sociétaux. Cher connard est une critique du patriarcat et met sur le devant de la scène les violences faites aux femmes, ainsi que les inégalités sociales. Oscar et Rebecca sont des personnages forts qui subissent les normes sociétales et sont en constante recherche de leur identité.
Ce roman est une dénonciation ouverte et crue de la domination masculine et politique, et questionne les mécanismes et dynamiques du pouvoir. La réalité frappe le lecteur de plein fouet, le dérange presque. Virginie Despentes examine les traumatismes et conséquences psychologiques des évènements qui marquent la vie.
Éditions Grasset
344 pages
Maïténa.
Je ne connaissais pas cette romancière, votre résumé m’invite à la curiosité… .
Ces échanges de correspondances se rapprochent des textos et mails qui sont d’actualité !
Une lecture et un roman épistolaire à découvrir, merci pour l’invitation !
Très bonne chronique ! Cela donne envie de se plonger dans le roman, que vous avez par ailleurs très bien déconstruit ! Je vais foncer de ce pas me l’acheter, merci !
Merci pour cette revue complète et efficace. je vais l’acheter pour ma maman!!