En 1957, une équipe scientifique russe part à la conquête de son petit bout d’Antarctique et construit sa base de recherche dans l’une des régions les plus froides du continent. Elle sera baptisée Vostok, l’orient, l’espoir.
Des années plus tard, à Valparaiso. Léonora est la jeune sœur de Juan, un membre important de l’un des cartels de la ville. En guerre avec la Fédération Andine qui fait régner son bon vouloir dans les cieux, Juan pense avoir trouvé le moyen de saper leur domination et de prendre le dessus. Léonora part donc avec lui, trois porte-flingues, deux scientifiques et son ghost Araucan pour la station désaffectée de Vostok à la recherche d’un secret depuis longtemps mis de côté et duquel dépend peut-être l’avenir du monde et sans doute leurs vies à tous.
Après l’incroyable Anamnèse de Lady Star, Laurent Kloetzer revient, seul cette fois, dans le même univers. Les tensions sont mondiales, des drones tuent impunément, le climat se détracte et tout semble partir à vau-l’eau. La jeune Léonora, au milieu de tout cela est d’une lucidité terrible. Sœur de l’un des chefs montants d’un cartel de Valparaiso qui a juré de détruire la Fédération Andine, elle abhorre cette violence constante, fait son maximum pour échapper à cette vie et se révolte franchement contre l’autorité sans faille de son frère. Lorsque celui-ci lui annonce le départ pour Vostok et son lac fossile, au-delà de l’objectif de la mission c’est tout l’imaginaire aventurier, scientifique et de liberté qui se libère pour Léo.
Elle va être confrontée non seulement à des paysages et des conditions de vie inimaginables qui rendent fous celles et ceux qui les traversent, mais aussi à la résurgence mémorielle des expéditions passées menées par Veronika Lipenkova, dont le passage a laissé quelque fantôme d’espoir, de lutte, d’attente de de déception qui vont imprégner l’expédition de Léo et les entraîner beaucoup plus loin dans l’histoire de la station et la leur qu’ils n’auraient pu l’imaginer.
Il y a des endroits dont la simple évocation suffit à faire courir l’imagination. L’Antarctique a cet effet-là sur moi, et Vostok encore plus. Imagine, lectrice, lecteur, cet immense lac enfoui à près de 4km sous la glace, isolé du reste du monde depuis des millions d’années. Imagine ce que l’on peut y trouver, ce que l’on peut apprendre. Ce que l’on peut détruire. Laurent Kloetzer arrive à nous immerger dans cette aventure avec une facilité folle. Léonora, sa jeune héroïne, est une jeune fille forte, brillante et courageuse qui prend une dimension incroyable au fil des pages, double moderne de Veronika Lipenkova dont elle arrive à comprendre les espoirs et les stratégies des années plus tard. Le Vostok de Kloetzer est saisissant, enfermant, pénétrant. On sent le souffle mortel de ce vent antarctique qui peut descendre les températures à -70°C, on voit la folie se dessiner dans le regard des membres de l’expédition, tremblant de la forme qu’elle pourrait prendre. On vit avec eux, avec Léo, cette expédition insensée et pourtant indispensable qui, voulant changer le monde, se frotte à des souvenirs encore bien vivants beaucoup trop grands pour elle, beaucoup trop insaisissables. La mythologie des expéditions scientifiques polaires, de la potentielle découverte de quelque chose de nouveau dans cette masse de savoirs trop vite oubliés mais déjà obsolètes font de Vostok (le livre) une fable et de Vostok (la base) presque une utopie. Jusqu’au bout Kloetzer nous tient, on ne veut surtout pas partir. Rester là-bas, dans ce froid, dans cette immensité de blanc rempli des milliards de fantasmes qu’on y a tissés.
Vostok a la force, la présence et la magie des grands romans, des folles aventures qui forgent une imagination et des obsessions.
Denoël – Lunes d’encre
432 pages
Marcelline