« Je suis né en 1919, une année en rien mémorable. Hier, j’aurais eu soixante-cinq ans. Je n’ai jamais cru dans une vie après la mort. Ma mort a fait l’objet d’un entrefilet – interprète de Bach, pont de Schellingwouderbrug, semi-remorque. J’existe car on se souvient de moi. »
Texte court mais intense, évoluant dans le récit introspectif de manière particulièrement inédite. Le point de vue du narrateur à travers la vision qu’avait son entourage de lui, permet à Gérard Legrand de revivre dans l’éther et la mémoire le temps d’un souvenir, le temps d’une image. Mais les visions qu’il invoque le ramènent à une image souvent déformée voire fausse, le confrontant à une autre vérité, celle de l’idée qu’avait son entourage de lui. Qu’offrent donc les souvenirs de ce pianiste amoureux de Bach, professeur de musique, ayant femme et maîtresse, qui mourut dans un accident de la route, quelle vision et souvenir en gardent sa famille, ses amis ou de vague et lointaines connaissances ?
« L’essentiel de ma vie s’est passé au piano. Je garde de moi le souvenir de deux mains reflétées dans la laque noire. Les regarder décrire leurs trajets en miroir se traduisait par des dégringolades de touches : on ne se glisse pas impunément dans la peau de son double. »
Second texte à être publié en français, Un homme par ouï-dire, après « La mort sur le vif » (Gallimard – 2007) révèle un immense auteur. Se dévorant comme un Philip Roth, mais se savourant comme un William Gaddis, Un homme par ouï-dire, offre une touchante introspection du narrateur et dévoile un auteur malin, qui sait très bien jouer avec son lectorat et le transporter dans un univers original au concept ô combien audacieux et payant.
La maison d’éditions « Les Allusifs » vous gâte avec ce court roman marquant. Je ne saurais trop vous recommander de foncez chez votre libraire…
Ted