Publié en 1990 aux Etats-Unis et en 2013 en France, La Tunique de Glace est le premier des sept rêves racontés par Vollmann pour parler de l’Histoire de l’Amérique à travers sa vision de lecteur et de boulimique de savoirs et de connaissances.
Et quel premier volet ! Quelle gifle littéraire, un essai aussi pointu et fantaisiste et qui, à travers un balayage nerveux puis de plus en plus lent, nous raconte la découverte des Amériques du nord par les vikings.
Découpé en plusieurs parties le texte prend ses marques dans l’origine des Vikings avant la découverte de l’Islande et du Groenland. En ces temps anciens où les hommes étaient « métamorphes » et les croyances aussi vivantes et présentes que vous et moi. Puis le texte dérive petit à petit sur les causes des découvertes de cette île de glace et de feu (Islande), de cette autre immense île de glace où d’étranges trolls vivaient (Groenland). Mais tout cela n’est rien face à la découverte du Vinland et son exploration.
La tunique de glace, et ce que Vollmann va faire par la suite pour les autres tomes (il n’a que 30 ans lors de l’écriture de ce premier tome), c’est-à-dire ingurgiter tout ce qu’il peut, lire, chercher, questionner, se rendre sur les lieux qui l’intéressent, puis après avoir assimilé toutes ces informations, l’ogre Vollmann va raconter par écrit son interprétation. Ici son histoire mélange allègrement ce que les sagas islandaises et groenlandaises racontaient avec le folklore et les mythes et son expérience sur le terrain qui vient donner une vision moderne des contes et légendes.
C’est dense, c’est richement documenté, c’est fou et osé, c’est grand, c’est Vollmann. La tunique de glace est un condensé de savoir-faire et de démesure. L’auteur triture l’histoire comme il triture les neurones de ses lecteurs, et le rêve de l’auteur devient tout doucement votre obsession, cette envie d’avancer dans son univers et de s’y perdre. La découverte par l’expédition de Gudrid et la folie de Freydis sont simplement magiques, du pur nature writing saupoudré de mysticisme et de légende. « Les mains noires » et les « Skraelings » sont aussi énigmatiques qu’inquiétants et l’on regrette presque de ne pas avoir pu vivre cette grande époque.
Vollmann est un auteur essentiel, il pousse le lecteur vers des terres inconnues et nous plonge dans des textes aussi sinueux que passionnants. Tunique de glace ouvre magistralement sa saga et je vous conseille très vivement l’autre tome publié en France toujours dans la collection Lot49 et en poche chez Babel, à savoir « Les fusils » qui est tout aussi réussi si ce n’est même un cran au-dessus.
Je me dois de vous parler de l’excellente analyse et chronique de ce somptueux texte par le non moins excellent Hugues Robert sur le blog Charybde27, je n’arriverais pas à vous vendre le livre aussi bien que lui. Alors vous pouvez aller finir de vous donner envie ici.
Editions Le Cherche Midi,
Lot49,
Trad. Pierre Demarty.
670 pages
Ted.