C’était un sacré défi que celui d’adapter le best-seller écrit par Yuval Noah Harari : Sapiens une brève histoire de l’humanité, en bande dessinée ! Défi accepté avec ce premier volume qui nous replonge dans le parcours incroyable de nos ancêtres, en revenant sur leur évolution aussi bien physique que culturelle.
On y retrouve l’historien et professeur d’histoire en personne, qui parcourt le monde à la rencontre de scientifiques, ethnologues ou encore sociologues avec qui il débat de nombreuses questions autour des Homo Sapiens : que c’est-il passé avant et après la Révolution agricole ? Quelles ont pu être leurs structures familiales ? Leurs rapports aux autres hominidés ?
Et oui ! Car il y en avait d’autres, pas moins de six au total et contrairement aux idées reçues et malheureusement trop véhiculées de l’évolution unilatérale de l’Homo Erectus vers l’homme actuel. Différences morphologiques, mais aussi comportementales et notamment tendance ou non à créer des liens avec des des groupes étrangers, beaucoup de paramètres semblaient les différencier. Et surtout ces grandes questions : Pourquoi et comment une seule d’entre elles a survécu, pour au final dominer la chaine alimentaire dans une ascension fulgurante… Au prix de problèmes physiques inconnus des autres animaux et un manque certain d’allure face aux autres prédateurs ! ).
De plus, si aujourd’hui l’Homme se place au-dessus et à part du règne animal, il ne faut pas oublier qu’il en est tout de même un chainon, le résultat d’une évolution longue de plusieurs milliers d’années dont certains réflexes et instincts sont toujours gravés dans son ADN. Par exemple, ce besoin de manger à outrance quitte à se rendre malade découle de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs !
En effet, ne sachant pas de quoi demain serait fait, ils étaient contraints d’absorber le maximum de nourriture quand ils en avaient l’occasion. Actuellement, ce conditionnement entraine de graves problèmes de santé : puisque confort et sédentarité ont effacé un régime alimentaire plus varié répondant aux besoins du corps et que le corps athlétique entrainé par un mode de vie nomade, évoluant au fil des saisons et des denrées est aujourd’hui de moins en moins sollicité.
Il s’agit évidemment d’un tout petit exemple parmi tous ceux abordés dans Sapiens, qui rebondit de sujets en thématiques avec une surprenante fluidité. De plus, ce livre ne se contente pas de rabâcher des réponses et des théories déjà évoquées encore et encore, mais de démontrer que celles-ci peuvent découler de préjugés plutôt mégalomanes et autocentrés, caractéristiques typiques de Sapiens, parfois pas si « sage » que ça.
Cette BD respecte la narration limpide et très pédagogue de Yuval Noah Harari, tout en s’appuyant à des références issues de la pop culture (comics, série télé-réalité, annonces publicitaires…) et en jouant avec les ellipses temporelles, créant ainsi un pont direct entre le premier Homo Sapiens et nous même.
On peut alors totalement appréhender des situations qui peuvent paraître très obscures ou complexes au premier abord, tout en profitant d’un résultat qui est à la fois inventif et amusant. Ainsi, les auteurs David Vandermeulen et Daniel Casanave créent une nouvelle dynamique offerte par le médium images-phylactères et on peut lire aussi bien l’essai et la bande dessinée sans avoir l’impression d’un simple copié-collé. Le style graphique et les couleurs ne tombent pas dans le piège de l’ hyperréalisme, souvent adopté pour ce type d’ouvrage, mais proposent au contraire de la fraicheur et une ambiance attractive et colorée.
Sapiens, la naissance de l’humanité est une lecture très riche et pleine de rebondissements, qui réussit à rendre un sujet très complexe accessible à tous. Défi accepté donc, et surtout remporté haut la main !
Éditions Albin Michel
240 pages
Caroline