Paris 2119: la capitale autrefois vivante et lumineuse n’est plus que l’ombre d’elle-même. Grisâtre, terne, défigurée par un art gargantuesque, agressif et urticant transperçant les façades et les monuments, elle semble surtout vidée de toute sa frénésie humaine.
Il s’avère que les gens n’empruntent presque plus les rues ou les transports en communs, préférant le confort des capsules individuelles de téléportation Transcore qui fleurissent à chaque pâté de maison. Et même jusque dans les domiciles. Se rendre d’un point à un autre en un battement de cil, voyager à l’autre bout du monde en une fraction de seconde, n’est ce pas un confort incroyable et presque indispensable?Malgré les promesses technologiques et l’engouement de son entourage face à celles-ci, Tristan Keys reste hermétiquement farouche à l’univers dans lequel il évolue. En effet, il préfère de loin marcher ou bien prendre le métro ou encore l’Eurostar, ces vestiges lointains d’une circulation collectives. C’est lors d’un de ces déplacement dans un wagon désuet du métro parisien qu’il croise une femme. Hagarde, hallucinée, elle semble visiblement être sous l’emprise d’une drogue. Le hasard veut qu’il rencontre son chemin de nouveau, dans une circonstance qui le plongera dans une situation personnelle très inquiétante.
En effet, il s’avère que ce monde envahit par les robots et les IA cache une réalité bien plus terrible et à l’encontre des valeurs éthiques que l’on ne peut se douter.
Essayant de percer le mystère des anomalies qu’il découvre, Tristan Keys tente également de faire entendre raison à sa compagne, Kloé, qui elle vit tout à fait avec son temps, en accord avec les technologies les plus poussées. Entre le héros aux passions considérées comme buttées et même controversées et son amie utilisatrice et consommatrice notamment des Transcore, lequel des deux est le plus en danger?
Dans Paris 2119, Zep se consacre à un scénario d’anticipation à la manière de The End. Plongé dans ce monde rétro-futuriste où chacun est surveillé sans cesse par des drones, sondé par des reconnaissances faciales et fichés, le lecteur découvre un environnement où les GAFAM semblent être à leur apogée. Il semble que la dématérialisation des corps ayant aussi entrainé celle du contact humain en même temps que celle des corps.
La déshumanisons cachée derrière des décors et des hologrammes cache-misère fait écho à la célèbre série Black Mirror alors que la surveillance constante renvoie au roman 1984 de George Orwell, et le tout est sublimée par les dessins de Dominque Bertail. Déjà croisé aux éditions Rue de Sèvres dans la série Infinity 8, il accorde cette fois la finesse et l’élégance de son trait à une gamme de camaïeu de couleurs froides. Donnant vie aux décors futuristes, il apporte au texte un équilibre fragile entre la laideur et l’idyllisme.
Paris 2119 interroge sur la rapidité des avancées technologies, leur emprise sur l’être humain et le dépassement de celui-ci par ses propres créations. S’inspirant de notre réalité, Zep et Dominque Bertail racontent, un futur pas si lointain et surtout bien trop envisageable.
Editions Rue de Sèvres
80 pages
Caroline