Dès le titre du dernier livre de Camille de Toledo, on observe une rupture et un nouvel élan. Dans Thésée, sa vie nouvelle s’annonce un espoir de clarté. La lecture de ce livre est une épreuve bouleversante et nécessaire, il faut se maintenir attacher à l’espoir du titre.
Le frère de l’auteur s’est suicidé en 2005, Camille de Toledo a fui vers l’est plutôt qu’affronter le deuil. Ce livre raconte comment il y fait face quelques années plus tard, contraint par un mal de dos persistant. C’est bien plus qu’un livre-témoignage : c’est un récit magistral où la littérature s’apparente à un rituel sacré.
Camille de Toledo ne parle pas de lui si ce n’est par la voix de Thésée. Il semble s’être glissé dans la peau de ce héros de la mythologie grecque. Le Thésée de Camille de Toledo rentre lui aussi dans un labyrinthe. Il essaye d’y comprendre le legs de ses ancêtres. Nous découvrons l’histoire des femmes et hommes de la famille Toledo qui sont autant de failles à combler.
Lorsqu’il s’adresse à ses parents à l’occasion de son enquête. Il les juge sévèrement. Il s’agit surtout de démontrer de la cruauté du XXe siècle. Cette époque nous a menés vers un désastre que l’on essaye de déguiser dans la modernité. Mais Thésée, sa vie nouvelle va bien au-delà d’un jugement péremptoire. Le narrateur se remet en question au gré des pages pour finalement sortir du labyrinthe.
En parler reste difficile, c’est une œuvre qui bouleverse et secoue. On ose à peine imaginer ce qu’elle doit représenter pour Camille de Toledo lui-même. La beauté fulgurante de son écriture est un fil que l’on suit pour sortir des méandres de son héritage.
Il n’y a pas de majuscules dans le texte, comme si l’auteur voulait tout aplanir, pour attaquer directement au cœur. Les passages versifiés laissent de l’espace vide à l’écho de la douleur. Les images que l’on y voit rend plus sensible encore la réalité des mots.
Ce livre est sans doute un objet intime, mais surtout une grande œuvre littéraire. Le rituel très occidental et dénué d’ésotérisme religieux qu’est sa littérature nous permet d’affronter nos propres fantômes. Nous y menons notre propre trajectoire dans un labyrinthe semblable à celui de Thésée.
On ne peut pas se mettre à la place de l’auteur et faire des propositions sur ce que représente l’achèvement d’un tel travail. Mais être lectrices ou lecteurs de Thésée, sa vie nouvelle permet une catharsis. Quand la lecture du texte se termine, les souffrances personnelles y trouvent un apaisement et nous espérons à nouveau d’autres cérémonies littéraires de cette importance.
256p
Adrien
Merci pour votre belle critique que je découvre aujourd’hui. J’ai lu ce livre à sa sortie, après avoir entendu l’auteur en parler sur France culture avec les 3 autres pressentis pour le Goncourt, et jeté mon dévolu sur celui-ci. J’y suis rentrée doucement, avec étonnement d’abord, puis bien vite prise dans le labyrinthe de son écriture goûtée cependant avec lenteur…Envie de le relire!