Dans ce Tiroir central de Sophie Coiffier (dont on avait déjà évoqué son Poète du futur), il y a un désordre mélancolique qui reflète l’intimité de sa vie. Ce texte paru aux éditions de l’Attente ne se situe pas sur le plan littéraire, ni tout à fait récit, poésie ou encore autobiographie. La poète Sophie Coiffier y délivre par chapitre ce qui la constitue et sa réflexion sur un monde de plus en plus oppressant. C’est un texte intime dont la poésie se dévoile par son amassement de faits et de pensées. Il n’y a pas que du texte dans ce livre, on y découvre aussi des dessins et des polaroids, apportant un autre regard sur l’intérieur du tiroir.
Ainsi Sophie Coiffier démontre que la littérature ne s’établit pas dans l’ordre. Ce bazar dit bien plus qu’un ordonnancement classique. Sa voix se fait mélancolique pour aborder les différentes facettes qui la caractérisent. Elle nous ouvre ce tiroir pour penser, mettre des mots sur un cheminement mental. D’ailleurs on ne sait pas très bien si elle s’adresse à nous. Son tutoiement serait plutôt dirigé vers elle, cherchant ainsi à se comprendre elle-même. Nous ne sommes bien sûr pas dans une psychanalyse mais plus dans une enquête éparpillée où l’autrice se cherche.
Naviguant entre les livres et les lieux, la poète construit un endroit pour se poser, restituer le désordre dont chaque vie est faite. L’absence de linéarité n’est pas ici cacophonique. Au contraire, il sort du Tiroir central une mélodie proche de la saudade. La joie triste de voir son monde qui évolue incite le lecteur à se faire discret. Nous sommes ici des spectateurs effacés d’une réflexion dont seule Sophie Coiffier détient la clef. Nous nous devons de faire silence et écouter ce récit qui jaillit plus qu’il ne s’écoule.
Par la lecture de Tiroir central, nous apprenons à comprendre que l’ordre n’existe pas, qu’il faut s’en méfier. Ce que raconte Sophie Coiffier se résume ainsi : une injonction à l’ordre appauvrit le mot et ravive les maux. Dans un monde où le business se croit seul à diriger nos quêtes, Sophie Coiffier tente de son côté à reprendre en main ce qu’il y a dans son Tiroir central. Ces petites touches de vie produisent plus de sens qu’un développement personnel bien maîtrisé. La poésie de Tiroir central se situe dans sa capacité à nous retenir en déséquilibre pourtant bien plus confiant qu’un patron cherchant le profit.
77p
Adrien